

Luc Besson s’empare de l’héroïne créée par Tardi, lui donne le visage de Louise Bourgoin et la fait cohabiter avec des momies et un ptérodactyle…
LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ADÈLE BLANC-SEC
2010 – FRANCE
Réalisé par Luc Besson
Avec Louise Bourgoin, Mathieu Amalric, Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve, Jacky Nercessian, Philippe Nahon, Nicolas Giraud, Laure de Clermont-Tonnerre
THEMA DINOSAURES I MOMIES I SAGA LUC BESSON
En 1976, les lecteurs du quotidien Sud-Ouest découvrent une héroïne de bande dessinée pas comme les autres : Adèle Blanc-Sec. Créée par Jacques Tardi et éditée plus tard par Casterman, cette BD mêle allègrement le fantastique, l’humour noir et la critique sociale. Luc Besson découvre cet univers à l’adolescence, lorsqu’un album lui est offert par son père. Mais ce n’est qu’au tournant des années 2000 que le réalisateur envisage une adaptation sur grand écran. Son premier réflexe est de contacter Jacques Tardi. Mais le timing n’est pas bon, puisque l’auteur est déjà lié à un autre projet cinématographique. Quelques années passent, Besson revient à la charge. Entre-temps, le film concurrent a été annulé et Tardi, lassé, ne veut plus rien entendre. Commence alors une longue phase de séduction, au cours de laquelle le réalisateur multiplie les rencontres pour gagner sa confiance. Au bout de six ans, l’auteur finit par céder et accorde carte blanche à Besson. Pour bâtir son scénario, ce dernier puise dans deux des quatre premiers albums de la série : Adèle et la Bête (1976) et Momies en folie (1978). Avec un budget conséquent de trente millions d’euros, Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec devient l’un des projets phares de Besson, qui parvient à convaincre Tardi et sa famille d’y faire une petite apparition sous forme de clin d’œil.


À Paris, à la fin de l’année 1911, l’excentrique professeur Espérandieu (Jacky Nercessian) mène des expériences de télékinésie et de télépathie qui réveillent un œuf de ptérosaure vieux de 135 millions d’années au Muséum national d’histoire naturelle. La créature s’échappe et tue accidentellement un ancien préfet, qui partageait du bon temps dans un fiacre avec une danseuse du Moulin Rouge. Les témoignages d’apparitions du monstre se multiplient et font les choux gras de la presse, provoquant l’inquiétude publique. Le président de la République confie alors l’affaire à la Police nationale, qui échoit à l’inspecteur Albert Caponi (Gilles Lellouche). Dépassé, ce dernier finit par faire appel à un chasseur de fauves réputé, Justin de Saint-Hubert (Jean-Paul Rouve). Pendant ce temps, Adèle Blanc-Sec (Louis Bourgoin), célèbre journaliste et écrivaine de voyage, trouve en Égypte la momie du médecin du pharaon Ramsès II, Patmosis. Elle veut le ramener à la vie grâce à Espérandieu pour qu’il soigne sa sœur Agathe (Laure de Clermont-Tonnerre), plongée dans le coma après un malheureux accident de tennis où une épingle à chapeau s’est plantée dans son front. Mais avant de parvenir à ses fins, Adèle va avoir affaire au ptérodactyle capricieux…
La vie d’Adèle
Il est difficile de ne pas sentir l’influence du Fabuleux destin d’Amélie Poulain dans ces Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec. Non seulement le titre du film y fait écho, mais la voix off du narrateur emprunte un style poétique et malicieux qui s’attarde sur les détails du quotidien et les caprices du destin, comme chez Jean-Pierre Jeunet. Le caractère rétro et romanesque de l’intrigue induit ainsi presque machinalement une imagerie de carte postale sépia inspirée des pérégrinations d’Audrey Tautou. Mais Luc Besson lui-même semble incertain vis-à-vis de cette référence, puisqu’il abandonne le procédé de la voix off en cours de route pour aller chercher d’autres références. La visite du tombeau égyptien, par exemple, paie son tribut à Indiana Jones – et aussi, par ricochet, au final du Cinquième élément. Il faut reconnaître les indiscutables qualités esthétiques du film : un Paris des années 1910 somptueusement reconstitué, des décors et des costumes fidèles aux planches de Tardi, et en prime un très beau ptérodactyle conçu par l’équipe de Buf. La séquence où la bête sort de son œuf et s’envole au milieu des squelettes de mastodontes est un vrai moment de grâce. En revanche, les momies numériques, principalement utilisées comme ressort comique, sont moins convaincantes. Et c’est là que le bât blesse : l’humour du film manque singulièrement de finesse, culminant dans la scène interminable des déguisements successifs d’Adèle pour libérer le professeur. Du coup, le casting prestigieux verse dans la caricature : Gilles Lellouche campe un émule bedonnant de Dupond et Dupont, Jean-Paul Rouve un chasseur pédant, Mathieu Amalric un vilain hideux. Louise Bourgoin elle-même ne semble pas posséder le potentiel comique nécessaire au rôle, campant une héroïne hautaine et antipathique à laquelle il est bien difficile de s’identifier. Sylvie Testud, initialement pressentie, aurait sans doute été plus à son aise sous le chapeau d’Adèle. Disons donc que nous avons affaire là à une demie-réussite. C’est toujours ça de pris…
© Gilles Penso
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