MÉTAL HURLANT (1981)

La science-fiction, l’horreur, l’érotisme, l’héroic-fantasy et le pastiche burlesque s’entrechoquent dans ce monument culte du cinéma d’animation…

HEAVY METAL

 

1981 – CANADA

 

Réalisé par Gerald Potterton

 

Avec les voix de Roger Bumpass, John Candy, Jackie Burroughs, Joe Flaherty, Don Francks, Martin Lavut, Marilyn Lightstone, Eugene Levy, Alice Playten, Harold Ramis

 

THEMA FUTUR I HEROIC FANTASY I EXTRA-TERRESTRES I ZOMBIES

On ne remerciera jamais assez Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet et Moebius d’avoir créé en 1975 le magazine Métal Hurlant, fleuron de la contre-culture populaire, laboratoire de création visuelle et terreau fertile de toute une génération d’auteurs de bandes-dessinées pour adultes. En 1977, Leonard Mogel en rachète les droits de publication pour le territoire américain, sous le titre Heavy Metal, et cherche dans la foulée à financer un film d’animation qui en reprendrait l’esprit. Ivan Reitman, futur réalisateur de S.O.S fantômes et déjà producteur de films d’horreur dans son Canada natal (Frissons et Rage de David Cronenberg notamment) se laisse tenter par l’aventure et accepte de produire le film. Car aux États-Unis, Heavy Metal s’est imposé comme une véritable institution auprès d’une large communauté d’artistes. Ridley Scott avouera même y avoir puisé plusieurs idées pour Alien (le fait que Dan O’Bannon, scénariste du film, soit l’un des auteurs du magazine n’est évidemment pas étranger à ce jeu des influences). Partagé entre l’horreur, la science-fiction et l’heroic-fantasy, le film Metal Hurlant met en scène plusieurs histoires courtes qui n’ont qu’un lien entre elles : la présence d’une entité maléfique connue sous le nom de Loc-Nar. Chaque segment possède son propre style graphique et sa propre tonalité.

Les deux premiers segments, « Soft Landing » et « Grimaldi », s’enchaînent pour permettre au film de démarrer sur des chapeaux de roue. Une Chevrolet Corvette de 1959 à carrosserie en fibre de verre y est larguée depuis une navette spatiale, atterrit sur Terre et roule jusqu’à un manoir. L’astronaute/pilote a ramené de sa mission une sphère verte incandescente, le Loc-Nar, qui le désintègre entièrement puis s’approche de sa fille en annonçant « Je suis la somme de tous les maux ! » C’est à travers les récits de cette puissance infernale que vont s’articuler les sketches qui constituent le film. « Harry Canyon », d’après une histoire originale de Dan Goldberg et Len Blum, est manifestement conçu sous l’influence de Moebius, tant les dessins de ce New York futuriste évoquent ceux du créateur de Blueberry. Cette histoire d’un chauffeur de taxi, s’attirant un tas d’ennuis après avoir secouru la fille d’un scientifique, baigne dans une atmosphère de film noir qui inspirera sans doute Blade Runner et surtout Le Cinquième élément. Le deuxième récit, « Den », inspiré par Richard Corben, s’intéresse à un jeune homme féru de sciences qui, après avoir découvert le Loc-Nar, se métamorphose en surhomme et voyage jusqu’à un monde parallèle où il sauve une jeune femme promise à un sacrifice, le tout dans un univers d’heroic fantasy totalement débridé. Sur un registre très différent, « Capitaine Sternn », d’après Berni Wrighston, est un sketch burlesque situé à bord d’une station spatiale où un capitaine se retrouve accusé d’une infinité de crimes par un tribunal intergalactique. Serein, notre homme a soudoyé le témoin principal. Mais celui-ci a découvert le Loc-Nar et se transforme en titan colérique façon Hulk !

Le choc des mondes

Le segment « B-17 » se situe en pleine seconde guerre mondiale. À bord d’un bombardier, tous les membres d’équipage décédés se transforment en zombies, dans une ambiance « Ec Comics » qui nous rappelle que Dan O’Bannon, auteur de cette histoire, est le futur réalisateur du Retour des morts-vivants.  « So Beautiful & So Dangerous », quant à lui, raconte sur le ton de la comédie l’enlèvement d’une plantureuse terrienne par un gigantesque vaisseau extra-terrestre. Le dernier sketch, « Taarna », qui emprunte à nouveau ses effets de style à Moebius, montre la dernière descendante d’une race de guerriers se dressant contre une tribu de barbares corrompus par le Loc-Nar. Extrêmement inventive, l’animation de Métal Hurlant mêle la 2D traditionnelle avec de la 3D avant-gardiste, de la rotoscopie, des maquettes en volume et des effets visuels. La violence graphique et l’érotisme débridé s’y entremêlent étroitement, tandis qu’une poignée de clins d’œil adressés aux connaisseurs ponctuent le film (l’affiche de Jaws 7, les apparitions de l’Enterprise et de Robby le robot), le tout sur une bande originale hétéroclite mêlant les symphonies lyriques d’Elmer Bernstein et une grande quantité de morceaux de rock. Gorgé d’images iconiques – la moindre n’étant pas celle de la guerrière Taarna chevauchant son ptérodactyle, devenue le poster le plus célèbre du film -, Métal Hurlant s’est rapidement érigé en objet de culte adulé aux quatre coins de la planète.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article