THE POUGHKEEPSIE TAPES (2007)

Dans ce faux documentaire perturbant, des agents du FBI exhument les centaines de cassettes vidéo enregistrées par un tueur psychopathe…

THE POUGHKEEPSIE TAPES

 

2007 – USA

 

Réalisé par John Erick Dowdle

 

Avec Stacy Chbosky, Ben Messmer, Samantha Robson, Ivar Brogger, Lou George, Amy Lyndon, Michael Lawson, Ron Harper, Kim Kenny, Iris Bahr, Linda Bisesti

 

THEMA TUEURS

Nous sommes en 2007, époque où le « found footage » est en train d’atteindre les sommets de sa popularité. Après quelques longs-métrages pionniers en la matière tels que Cannibal Holocaust, C’est arrivé près de chez vous ou Le Projet Blair Witch, trois œuvres déterminantes vont asseoir le genre et en faire le nouveau chouchou des producteurs (ça ne coûte pas cher et ça peut rapporter gros) : Diary of the Dead, [Rec] et Paranormal Activity. C’est exactement à la même période que John Erick Dowdle tourne The Poughkeepsie Tapes, preuve que tous ces films n’ont pas eu le temps matériel de s’influencer les uns les autres et que les bonnes idées flottent souvent dans les airs en même temps. Co-écrit par John Erick Dowdle et son frère Drew, The Poughkeepsie Tapes part d’une idée plutôt triviale. « Nous cherchions un moyen de réaliser un film à petit budget qui donne l’impression d’avoir coûté plus cher », explique simplement le réalisateur. « Nous pensions que l’idéal serait de faire quelque chose qui combine des aspects vidéo et cinématographiques. Alors que nous étions en train de réfléchir, j’ai dit : “Et si on faisait un faux documentaire sur les vidéos amateurs d’un tueur en série ?” Et Drew a répondu : “On y va !” Avant ce film, nous étions plutôt dans l’humour, et nous ne savions pas vraiment si nous serions à l’aise avec l’horreur. Mais Drew m’a dit : “Laisse tout tomber, écris le scénario et je m’occupe de réunir les fonds.” Six mois plus tard, le film était entièrement tourné. » (1)

Réalisé pour un budget modeste de 450 000 dollars, The Poughkeepsie Tapes prend donc les allures d’un documentaire entremêlant les témoignages d’enquêteurs, de témoins, de proches des victimes, de juristes, de fausses actualités d’époque, de reconstitutions, d’infographies, d’images d’archive et bien sûr d’extraits de ces fameuses cassettes VHS au contenu perturbant. Le postulat du film est le suivant : en faisant une descente dans une maison de Poughkeepsie, dans l’État de New York, des policiers découvrent plus de 800 cassettes vidéo réalisées par un tueur en série insaisissable connu sous le surnom du « Boucher de Walter Street ». Ces films amateur détaillent tous ses méfaits : meurtres, tortures psychologiques et physiques, mutilations… Malgré l’importance des preuves, le psychopathe prend soin de ne jamais apparaître à l’image sans être complètement déguisé, ce qui conduit la police et les forces de l’ordre à ouvrir une enquête sur sa localisation et celle de ses victimes. Du côté des psychologues, on se perd en conjectures, car cet assassin ne correspond à aucun profil, ou plutôt semble cumuler des centaines de caractéristiques psychologiques contradictoires. Qui est-il ? Comment le retrouver ? Et surtout, combien de cadavres va-t-il encore laisser dans son sanglant sillage ?

« True Crime »

Le scénario est malin, parce que The Poughkeepsie Tapes ne se contente pas d’aligner les images vidéo tremblantes au cours desquelles le tueur, en vue subjective, fait subir maints outrages à ses proies. Certes, ces éléments restent le cœur du film et constituent sans conteste ses passages les plus marquants, notamment les tourments d’une jeune femme qui est littéralement réduite en esclavage. Mais pour éviter que l’exercice devienne répétitif, Dowdle transforme son intrigue en véritable enquête policière riche en rebondissements et en surprises. Dans le rôle de Cheryl Dempsey, la victime sur laquelle s’attarde plus particulièrement le récit, Stacy Chbosky, la femme du réalisateur, est bouleversante et porte une grande partie de l’impact du film sur ses épaules, notamment lors du final redoutablement nihiliste. The Poughkeepsie Tapes doit sa réputation trouble autant à son contenu dérangeant qu’aux errements de son exploitation. Présenté avec succès au Tribeca Film Festival en 2007 comme une pure fiction, le film est ensuite projeté au Butt-Numb-A-Thon, cette fois vendu au public comme un véritable documentaire. Les spectateurs, conscients d’être manipulés, rejettent violemment la séance. MGM, qui avait acquis les droits de distribution, se retrouve avec un film déjà difficile à vendre et désormais encombré d’une mauvaise presse. Le studio retire donc le titre de son calendrier de sortie. Son exploitation vidéo est elle-même longtemps différée, mais un parfum d’interdit finit par assurer au film une seconde vie underground auprès des amateurs d’horreur réaliste. Après cette œuvre choc, tout le monde guettait les prochaines réalisations de John Erick Dowdle, mais il faut croire que c’était l’homme d’un film. Non pas que sa carrière se soit arrêtée là, mais on ne peut pas dire que l’embarrassant En Quarantaine ou l’anecdotique Devil soient à la hauteur des espoirs que nous placions sur lui. Il enchaînera avec Catacombes, No Escape et la série TV Joe Pickett.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur BlueCat Screenplay en janvier 2010

 

© Gilles Penso

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