

En 1917, deux fillettes affirment avoir aperçu et photographié des fées dans leur jardin. Disent-elles la vérité ?
FAIRY TALES – A TRUE STORY
1997 – GB
Réalisé par Charles Sturridge
Avec Harvey Keitel, Jason Salkey, Peter O’Toole, Lara Morgan, Adam Franks Guy Witcher, Florence Hoath, Elizabeth Earl, Paul McGann, Phoebe Nicholls
THEMA CONTES
Le Mystère des fées plonge les spectateurs au cœur d’une énigme authentique du début du XXᵉ siècle, l’affaire des « fées de Cottingley ». En 1917, dans un petit village anglais, deux jeunes cousines prétendent avoir photographié des fées dans le jardin de leur maison. Ce qui aurait pu rester un simple caprice d’enfants attire l’attention du romancier et fervent défenseur du spiritisme Arthur Conan Doyle (célèbre créateur de Sherlock Holmes mais également auteur du Monde perdu), qui voit dans ces images une possible confirmation de l’existence du surnaturel. Le film de Charles Sturridge (réalisateur de l’excellent téléfilm Les Voyages de Gulliver) choisit ainsi de raconter cet épisode à travers le regard des protagonistes principaux et des figures historiques qu’il met en scène, en cherchant le plus juste équilibre possible entre la biographie et la fiction. Dès les premières séquences, Sturridge installe une atmosphère empreinte de nostalgie. La caméra suit Elsie et Frances (Florence Hoath et Chloe Hawthorn) dans leur quotidien de jeunes filles malmenées par la guerre et les épreuves de la vie rurale. Le film ne se contente donc pas de reconstituer fidèlement les événements mais cherche aussi à transmettre ce que les enfants ont réellement ressenti.


Ici, le monde réel et le monde féérique coexistent, parfois de manière indistincte, reflétant le pouvoir de l’imagination et la sensibilité enfantine. Le scénario avance l’idée que les fées ne sont pas seulement des êtres fantastiques mais également le miroir de la capacité humaine à croire, à espérer et à trouver un peu de magie dans un monde bouleversé par la guerre. Au-delà de la vie des fillettes, le film joue à opposer les points de vue de deux figures historiques emblématiques : Conan Doyle (Peter O’Toole) et Harry Houdini (Harvey Keitel). Le contraste entre ces deux hommes est au cœur du film. L’un est guidé par la foi dans le surnaturel, l’autre par le scepticisme scientifique et la maîtrise de l’illusion. Cette dualité sert de fil conducteur pour interroger la perception de la réalité. Houdini, en apparence rationnel et rigoureux, révèle un côté presque paternel, transmettant à Elsie une leçon subtile sur la manipulation et l’artifice. Selon lui, il existe des trucs derrière chaque illusion, mais la magie demeure pour ceux qui choisissent d’y croire. Le film suggère ainsi que le merveilleux n’est pas forcément opposé à la raison.
Faut-il y croire ?
La reconstitution historique minutieuse du film contribue à renforcer la tangibilité de son contexte. Le deuil, les traumatismes et la désillusion collective liés à l’après-guerre rendent la quête d’un monde enchanté d’autant plus poignante. Le choix d’inclure des éléments comme la référence aux « Anges de Mons » (une légende urbaine née pendant la première guerre mondiale) ou l’évocation du personnage de Peter Pan n’est pas anecdotique. Il établit un lien subtil entre la littérature, les croyances populaires et les manifestations supposées du surnaturel. Dans Le Mystère des fées, l’enchantement n’est jamais totalement séparé du réel puisqu’il se nourrit de culture, de mémoire et de symboles partagés. On pourra reprocher à la mise en scène de Sturridge d’adopter une approche parfois contemplative qui finit par amenuiser son impact. Sans doute le réalisateur s’est-il laissé porter par un certain alanguissement pour mieux saisir la texture du monde des enfants et les nuances des relations avec les personnages historiques. Nous n’aurions pas été contre un resserrement sensible du rythme global. A cette réserve près, Le Mystère des fées reste passionnant, s’interrogeant au passage sur la responsabilité des adultes face à l’imaginaire : jusqu’où doit-on décourager ou protéger la croyance, et quelle part de la magie mérite-t-elle d’être préservée ? Sur la question de l’existence ou non des fées, le film ne tranche pas. L’histoire des fillettes devient surtout un prétexte pour explorer la fascination humaine pour l’inexplicable, la nostalgie de l’enfance et la force de l’imagination.
© Gilles Penso
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