

Bela Lugosi incarne un savant fou rêvant de créer une race de surhomme, épaulé par un colosse muet et par une pieuvre géante. Du pur Ed Wood !
BRIDE OF THE MONSTER
1955 – USA
Réalisé par Ed Wood
Avec Bela Lugosi, Tor Johnson, Tony McCoy, Loretta King, Harvey B. Dunn, George Becwar, Paul Marco, Don Nagel, Bud Osborne, John Warren, Ann Wilner
THEMA MÉDECINE EN FOLIE I MONSTRES MARINS
Au milieu des années 50, Hollywood est en pleine mutation : l’âge d’or des studios décline, la télévision se déploie et la science-fiction s’impose comme le genre fétiche des drive-in. C’est précisément dans cette brèche qu’Edward D. Wood Jr., jeune cinéaste passionné et terriblement maladroit, tente de se faire un nom. Après son inclassable Glen or Glenda, dans lequel il offrait à Bela Lugosi un rôle surréaliste, il s’attelle à un projet plus traditionnel, du moins en apparence : La Fiancée du monstre. Tout commence en 1953 avec un scénario d’Alex Gordon intitulé The Atomic Monster. Faute de financement, le projet tombe à l’eau. Wood le reprend à son compte, le rebaptise The Monster of the Marshes, Bride of the Atom, puis finalement Bride of the Monster, et parvient à trouver un financement très particulier. Un certain Donald E. McCoy, industriel de la viande emballée, accepte d’investir à condition que son fils obtienne le rôle masculin principal. C’est ainsi que le débutant Tony McCoy se retrouve héros de cette série B invraisemblable. Le rôle féminin, destiné à Dolores Fuller (compagne d’Ed Wood), échoit finalement à Loretta King. Le tournage commence en octobre 1954 dans les modestes Ted Allan Studios de Los Angeles, mais s’interrompt très vite faute d’argent. Fidèle à sa réputation d’improvisateur, Wood achève le film par bribes, récupérant des accessoires à droite et à gauche, bricolant des décors en carton et multipliant les stock-shots d’animaux.


La véritable attraction du film reste Bela Lugosi. À 73 ans, épuisé par la morphine, l’ancien Dracula d’Universal accepte tout ce qu’on lui propose. Très heureux de sa prestation dans Glen or Glenda, Ed Wood lui offre ici son dernier rôle parlant, celui du docteur Erik Vornoff, un savant fou qui rêve de donner naissance à une armée de guerriers atomiques, peu avare en répliques grandiloquentes telles que : « Je créerai une race de surhommes atomiques qui conquerront le monde ! » Malgré sa fatigue, l’acteur hongrois donne au personnage une intensité tragique qui contraste violemment avec la pauvreté du reste du film. À ses côtés, Tor Johnson campe Lobo, le colosse muet et balafré, serviteur idiot et maltraité par Vornoff. Son jeu, raide et pathétique, s’inspire manifestement de celui de Boris Karloff. Fasciné par l’héroïne lorsqu’elle apparaît dans sa robe blanche immaculée, il incarne une bête attendrissante, écho maladroit à La Belle et la Bête et à La Fiancée de Frankenstein.
Poulpe fiction
L’intrigue s’amorce sans temps mort : une terrible tempête pousse deux hommes à se réfugier dans la sinistre « maison des saules », repaire du docteur Vornoff et de Lobo. Dans la cheminée de la demeure se cache un passage secret donnant accès à un laboratoire. Là, Vornoff soliloque en discutant avec une pieuvre géante qu’il garde amoureusement dans un aquarium, et qui hante régulièrement le marécage du coin pour faire quelques victimes humaines. L’activité principale du savant consiste à enlever les malheureux qui s’égarent dans la région pour les soumettre à ses expériences atomiques, mais toutes périssent. Un policier et sa fiancée journaliste mènent bientôt l’enquête, épaulés par un vieux scientifique spécialiste du monstre du Loch Ness. Le clou du spectacle est bien sûr la fameuse pieuvre. Récupérée du film Le Réveil de la sorcière rouge (1948) avec John Wayne, elle n’a plus de moteur fonctionnel. Lors des scènes d’attaque, ce sont donc les acteurs eux-mêmes qui agitent les tentacules de caoutchouc en se contorsionnant dans l’eau trouble, tandis que Wood insère des stock-shots d’une véritable pieuvre pour tenter de sauver l’illusion. Ce décalage grotesque confère au film une aura comique irrésistible. En 1994, Tim Burton consacrera une grande partie du film Ed Wood à la reconstitution du tournage de cette inénarrable Fiancée du monstre.
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article