PEAU D’ÂNE (1970)

Jacques Demy déconstruit le célèbre conte pour enfants en offrant à Catherine Deneuve l'un de ses rôles les plus iconiques

PEAU D’ÂNE

1970 – FRANCE

Réalisé par Jacques Demy

Avec Catherine Deneuve, Jean Marais, Jacques Perrin, Delphine Seyrig, Micheline Presle, Fernand Ledoux

THEMA CONTES

Avec Peau d’âne, Jacques Demy concilie deux de ses passions : les contes de fées et les comédies musicales. Dans la foulée des Demoiselles de Rochefort et des Parapluies de Cherbourg, le cinéaste retrouve ainsi une de ses actrices fétiches, Catherine Deneuve, et la pousse une nouvelle fois à la chansonnette sur les mélodies de Michel Legrand (même si, cette fois ci, la comédienne est doublée par Anne Germain pour les parties chantées). Suivant assez respectueusement la trame du conte tel qu’il est narré par Charles Perrault, Peau d’âne débute un matin d’hiver. A l’article de la mort, une reine fait jurer à son royal époux (Jean Marais) de ne prendre une nouvelle épouse que si elle est plus belle qu’elle-même. Le veuf inconsolable fait donc quérir aux quatre coins du royaume les portraits des prétendantes potentielles, mais elles sont toutes plus laides les unes que les autres. Une seule princesse surpasse en beauté la reine trépassée. Lorsque le roi découvre qu’il s’agit de sa propre fille (Catherine Deneuve), il ne s’en trouble pas outre mesure et devient très entreprenant, exigeant qu’elle l’épouse le plus vite possible !

L’inceste est donc au cœur du récit, et c’est avec une certaine crudité qu’il était évoqué par la tradition orale, jusqu’à ce que le très sage Charles Perrault n’édulcore sérieusement le sujet. Demy lui-même évoque cette partie du conte avec une étonnante légèreté, osant même des répliques telles que : « Quand on demande à une petite fille qui elle voudrait épouser, elle répond immanquablement son père » ! Sous les conseils de sa marraine la Fée des Lilas (Delphine Seyrig), la princesse tente d’échapper aux projets de son père en émettant des caprices à priori impossibles à assouvir. Elle exige ainsi des robes couleur du temps, de la lune, du soleil, mais grâce aux talents du tailleur royal, le souverain assouvit toutes ses envies. En désespoir de cause, elle réclame la peau de l’âne du château, qui laisse tous les matins de l’or et des pierres précieuses sur sa litière. Découvrant la dépouille du pauvre animal au pied de son lit, elle s’en revêt, s’enfuit et mène désormais une vie de servante dans une ferme voisine, sous le nom de Peau d’Âne. Mais le prince des lieux (Jacques Perrin) la voit sous son vrai jour, dans sa lumineuse robe couleur de soleil, et en tombe éperdument amoureux…

Délicieusement kitsch

Garni de décors superbes aux couleurs saturées et de costumes extraordinaires (notamment les robes somptueuses de la princesse sur lesquelles Demy ajoute des étoiles scintillantes en post-production), Peau d’âne joue la carte du surréalisme le temps de quelques séquences mémorables comme l’héroïne qui court au ralenti à travers les ruelles d’un village où les habitants sont figés, la rose qui parle avec une bouche humaine, la vieille femme qui ponctue ses phrases en crachant des crapauds ou encore les amoureux qui se prélassent sur un bateau fleuri voguant sur une rivière tranquille. Drôle, léger et délicieusement kitsch, le film baigne dans une tonalité qui oscille en permanence entre la naïveté assumée et un certain second degré, comme le prouve l’intrusion effrontément anachronique de cet hélicoptère au moment d’un happy end digne de Shrek.

 

© Gilles Penso

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