HYPNOSE (1999)

David Koepp adapte un roman de Richard Matheson et offre un rôle en or à Kevin Bacon, confronté à d'effrayantes visions spectrales

STIR OF ECHOES

1999 – USA

Réalisé par David Koepp

Avec Kevin Bacon, Kathryn Erbe, Illeana Douglas, Kevin Dunn, Zachary David Cope, Conor O’Farrell, Eddie Bo Smith Jr

THEMA FANTÔMES

Richard Matheson est un écrivain talentueux, prolifique et très exigeant. Ainsi, hormis Quelque part dans le temps de Jeannot Szwarc, aucun des films tirés de ses romans (parmi lesquels on compte pourtant quelques chefs d’œuvre comme L’homme qui rétrécit) ne l’a pleinement satisfait. Sauf Hypnose, qui fait donc un peu figure d’exception. Il faut dire que David Koepp, scénariste à succès (La Mort vous va si bienJurassic Park) passant ici pour la seconde fois derrière la caméra, a tenu à respecter au maximum le texte initial tout en y injectant un style très personnel. Kevin Bacon, époustouflant, incarne Tom Witzky, un modeste ouvrier qui vit avec sa femme et son fils Jake dans un quartier populaire de Chicago. Un soir, au cours d’une fête organisée dans le voisinage, il défie sa belle-sœur Lisa (Illeana Douglas) de l’hypnotiser. La séance s’avère plus éprouvante que prévue, et Tom n’en ressort pas indemne. Désormais, il est frappé de visions effrayantes et hanté par l’image d’une jeune fille blafarde. Scénario en béton armé, réalisation impeccable, comédiens excellents, Hypnose est une réussite sur tous les tableaux et parvient même à éviter la comparaison avec Sixième Sens, sorti à peine un mois plus tôt sur les écrans américains, avec lequel il partage pourtant de nombreux points communs (y compris une partition signée James Newton Howard).

Par petites touches, Koepp nous présente ses personnages en profondeur, met en évidence la frustration d’un travailleur manuel qui espérait une vie moins banale, et inscrit son récit dans un contexte social très prégnant. L’une des idées passionnantes du film est d’admettre le postulat selon lequel la séance d’hypnose a ouvert une porte et révélé une sensibilité nouvelle que Tom n’aurait jamais cru posséder mais dont son fils semble naturellement doté, puisque dès la séquence d’introduction, nous le voyons parler avec Samantha, une amie imaginaire qui est en réalité le fantôme d’une jeune fille disparue. Kevin Bacon joue à merveille cet homme sans histoire qui se laisse gagner par l’obsession au-delà du raisonnable, obsession qui atteint son paroxysme lorsqu’il se met à creuser partout dans son jardin sans savoir ce qu’il y cherche. 

Élucider le passé pour préserver l'avenir

Pour avoir travaillé à plusieurs reprises avec Brian de Palma (il fut le scénariste de l’Impasse, Snake Eyes et Mission Impossible), David Koepp connaît l’efficacité des manipulations de l’espace-temps au sein du récit. Ainsi, l’objectif du protagoniste – et du spectateur – consiste non seulement à élucider le drame passé mais aussi à décrypter les visions prémonitoires qui l’assaillent. L’intrigue progresse ainsi comme une énigme éprouvante (Koepp parvient à effrayer ses spectateurs avec les choses les plus simples) jusqu’à un suspense final d’anthologie qui permet à toutes les pièces du puzzle de s’assembler avec une logique implacable. Au sommet de son art, le cinéaste se permet même quelques clins d’œil à l’œuvre de Richard Matheson, à travers le livre « L’Homme qui rétrécit » que lit la baby-sitter ou les extraits de La Nuit des Morts-Vivants (adaptation officieuse de « Je suis une légende ») que regarde Jake à la télévision.

 

© Gilles Penso

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