CANNIBAL FEROX (1982)

Le cinéaste Umberto Lenzi surfe sur le succès controversé de Cannibal Holocaust en jouant la carte de la surenchère

CANNIBAL FEROX

 

1982 – ITALIE

 

Réalisé par Umberto Lenzi

 

Avec John Morghen, Lorraine de Selle, Brian Redford, Walter Lloyd, Meg Fleming, Zora Kerowa, Robert Kerman, John Bartha

 

THEMA CANNIBALES

Umberto Lenzi étant spécialisé dans la photocopie des films à succès américains ou italiens, il était logique qu’il surfe tôt ou tard sur la vague anthropophage remise au goût du jour par Cannibal Holocaust. D’où ce Cannibal Ferox aux forts relents de déjà vu, qui narre l’expédition en Amazonie d’une étudiante en anthropologie, Gloria Davis, cherchant à démontrer pour les besoins de sa thèse que le cannibalisme n’est qu’une affabulation raciste des colons et qu’il n’a jamais existé de manière organisée. Elle entraîne dans son aventure son frère Rudy et son amie Pat, une blonde stupide et un peu nymphomane qui pense pouvoir profiter de l’occasion pour passer des vacances originales. Autant dire qu’elle ne va pas être déçue ! Sur leur chemin, les trois jeunes Américains rencontrent deux compatriotes qui racontent avoir été capturés et blessés par une tribu cannibale. Mais la vérité est tout autre. L’un de ces hommes, cocaïnomane impénitent appâté par le gain, a en réalité torturé et assassiné l’un des membres de ladite tribu pour lui faire avouer l’emplacement d’un gisement d’émeraudes dans la jungle. Un tel crime ne pouvant demeurer impuni, les indigènes, amateurs de toutes sortes de viandes animales ou humaines, vont préparer une terrible vengeance.

Oscillant entre son intrigue principale dans la jungle amazonienne et de petites péripéties parallèles liées à un trafiquant de drogue recherché par la police new-yorkaise, le film de Lenzi met en avant une théorie particulièrement intéressante : le cannibalisme chez les tribus primitives aurait été provoqué par réaction à la sauvagerie et la cruauté de l’homme dit civilisé. Cette idée, qui fait écho à la trame de Cannibal Holocaust, n’est hélas qu’à demi-exploitée, Cannibal Ferox ayant surtout pour ambition de collectionner les séquences de torture et de mutilation pour pouvoir rivaliser avec le film choc de Ruggero Deodato. Nous avons donc droit à notre lot d’énucléations, d’éventrements, d’éviscérations, de castrations, de mains coupées ou de crânes décalottés d’un coup de machette, le tout en gros plan, sous la houlette du maquilleur attitré des films gore de Lucio Fulci, le très inventif Gianetto de Rossi (L’Enfer des zombies, Frayeurs, L’Au-delà).

Le film le plus violent jamais réalisé ?

Quant à la fameuse séquence d’empalement de Cannibal Holocaust, elle trouve ici écho dans un supplice où l’abominable le dispute à l’improbable : une femme est suspendue à des crochets de boucher par les seins et se vide lentement de son sang ! Pour faire office de remplissage dans un film où, par ailleurs, il ne se passe pas grand-chose, Lenzi croit malin de ponctuer son aventure de massacres d’animaux qui sont proprement intolérables. Tapirs, tortues, crocodiles et singes passent ainsi un très mauvais quart d’heure, sans le secours hélas du moindre effet spécial. Vulgaire, racoleur, manichéen et xénophobe, Cannibal Ferox est finalement la triste somme de tout ce qu’il est censé dénoncer. Interdite d’exploitation dans une trentaine de pays, cette troisième incursion d’Umberto Lenzi au pays des cannibales (après Au pays de l’exorcisme et Eaten Alive) s’autoproclama « film le plus violent jamais réalisé », un titre autant présomptueux qu’injustifié.

 

© Gilles Penso



Partagez cet article