LA FILLE DE DRACULA (1972)

Britt Nichols incarne une jeune femme qui se découvre un goût prononcé pour le sang en apprenant qui est son illustre ancêtre

LA FILLE DE DRACULA / A FILHA DE DRACULA

 

1972 – FRANCE / PORTUGAL

 

Réalisé par Jess Franco

 

Avec Britt Nichols, Anne Libert, Alberto Dalbes, Howard Vernon, Daniel White, Jesus Franco, Fernando Bilbao, Carmen Carbonell

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Pour son quarantième long-métrage, le stakhanoviste Jess Franco se laisse une fois de plus guider par son goût prononcé pour l’épouvante mêlée d’érotisme en puisant ses idées à la fois dans « Dracula » de Bram Stoker et « Carmilla » de Sheridan le Fanu. Après avoir concocté un scénario picorant ses idées dans les deux récits, il plante ses caméras à Sintra, au Portugal, où il tournera six autres films, dont Une Vierge chez les morts-vivants et Les Expériences érotiques de Frankenstein. Fidèle à ses habitudes, Franco confie à son acteur fétiche Howard Vernon le rôle de Dracula, qu’il tenait déjà dans Dracula prisonnier de Frankenstein. Vernon aura incarné toute une galerie de personnages inquiétants pour le cinéaste, du docteur Orloff au baron Von Klaus en passant par l’énigmatique Cagliostro. Mais ici, sa présence se limite à une petite poignée de scènes où il gît dans son cercueil de vampire. Il cède en effet la vedette à Britt Nichols, pseudonyme américanisé de Carmen Yazalde. Cette dernière faisait une petite apparition dans La Révolte des morts-vivants, mais c’est Franco qui l’a révélée à l’âge de 22 ans dans Les Vierges et l’amour et Dracula prisonnier de Frankenstein. Il la fera encore tourner dans Les Démons, Les Expériences érotiques de Frankenstein, Quartier de femme et Une vierge chez les morts-vivants, le tout en l’espace de deux ans seulement.

Britt Nichols joue ici Luisa Karlstein, venue au chevet de sa grand-mère mourante. Avant de rendre son dernier souffle, la vénérable baronne lui dévoile à demi-mot la malédiction qui pèse sur leur lignée familiale depuis des générations, et qui trouve son origine dans la crypte de la demeure familiale. Là, Luisa découvre la tombe de l’ancêtre Karlstein, connu sous le nom de Dracula. À la fois épouvantée et fascinée par la présence de ce mort visiblement en pleine forme, elle se laisse hypnotiser par le vampire qui va la pousser à lui ramener des victimes féminines pour assouvir sa soif de sang. Mais Luisa va finir par se prêter au jeu, laissant volontiers ses propres crocs se planter dans la gorge de ses jolies proies… SI le récit s’articule autour d’une enquête policière mollement menée par un commissaire débonnaire, le scénario sert surtout de prétexte à de longues scènes saphiques où la caméra ne sait visiblement pas où donner de la tête, cherchant à cadrer la chair en si gros plan qu’elle finit par se perdre.

« La nuit sera encore remplie d’ailes meurtrières »

Pour être honnête, les talents d’actrice de Britt Nichols semblent inversement proportionnels à son indiscutable photogénie. Lorsque la belle écarquille exagérément les yeux en écoutant les dernières paroles de la baronne, ou lorsqu’elle se fige stupidement en ouvrant grand la bouche face au surgissement de Dracula hors de son tombeau, les éclats de rire sont difficiles à réfréner. Mais Jess Franco prend visiblement tout ça très au sérieux, s’octroyant le rôle de Cyril Jefferson, le secrétaire de la famille Karlstein, friand de tirades imagées telles que « La nuit sera encore remplie d’ailes meurtrières et le silence qui nous entoure sera rompu une fois et une autre fois par les cris d’angoisse et d’épouvante, loi immuable et éternelle du mystère et de la terreur ». Mais sa caméra hésitante, qui n’en finit plus de zoomer et de dézoomer sur ce qu’elle filme, qui cherche la mise au point en cours de prise et qui abuse de mouvements panoramiques accidentés, joue en défaveur du film. C’est d’autant plus dommage que certains plans sont très beaux et joliment photographiés. Le montage est à l’avenant, multipliant des champs et contre-champs interminables comme la scène de la jeune femme dans sa baignoire alternée avec des plans répétitifs des yeux et de la bouche de sa prédatrice. Comme toujours chez Franco, il est difficile de savoir si nous avons affaire là à des effets de style ou à une mise en scène aléatoire qui ne sait pas vraiment où elle va. En ce sens, chaque film du cinéaste se vit comme une expérience étrange faite d’incrédulité, de surprise et de fascination.

 

© Gilles Penso



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