L’ANTRE DE LA FOLIE (1995)

Sous haute influence de H.P. Lovecraft, John Carpenter construit l’un des cauchemars les plus mémorables de sa filmographie

IN THE MOUTH OF MADNESS

 

1995 – USA

 

Réalisé par John Carpenter

 

Avec Sam Neill, Jürgen Prochnow, Julie Carmen, Charlton Heston, Frences Bay, Wilhelm von Homburg

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA JOHN CARPENTER

Après des Aventures d’un homme invisible très sympathiques mais un peu anonymes, John Carpenter décide de retrouver son univers de prédilection et nous livre l’une des pièces maîtresses de sa filmographie, qu’il qualifiera plus tard de troisième volet de la « trilogie de l’Apocalypse » après The Thing et Prince des Ténèbres. Pourtant, le réalisateur mit du temps à accepter de tourner ce scénario de Michael de Luca (qui à l’époque avait écrit La Fin de Freddy et plusieurs épisodes des Cauchemars de Freddy). Le film fut donc proposé à Tony Randel (Ticks) puis à Mary Lambert (Simetierre). Mais le projet ne se concrétisa que lorsque Carpenter se ravisa et décida de porter ce récit à l’écran en 1992, sans doute suite à l’accueil mitigé que reçut sa relecture grand public du thème de l’homme invisible. Muni d’un budget très raisonnable de 8 millions de dollars (environ cinq fois moins que pour son film précédent), Carpenter s’installe avec son équipe dans l’Ontario. Les moyens limités à sa disposition stimulent sa créativité, et le casting de premier ordre dont il bénéficie lui permet de bâtir des personnages forts et mémorables.

Deux ans après Jurassic Park, Sam Neill incarne John Trent, un détective pour une compagnie d’assurance qui se retrouve dans un institut psychiatrique. Alors que cet homme jadis extrêmement cartésien semble avoir perdu la raison, il raconte son histoire au docteur Wrenn (David Warner). Tout commence avec Sutter Cane (Jürgen Prochnow), l’écrivain le plus populaire du siècle, une sorte de Stephen King qui s’est imposé comme un phénomène de société à travers ses romans d’épouvante. Grâce à quelques best sellers, il a engendré une foule de lecteurs fanatiques et hystériques. Son dernier roman, annoncé comme l’œuvre définitive en matière de terreur, s’intitule « L’Antre de la folie ». Alors que les heureux éditeurs de la maison Arcane s’apprêtent à lancer le livre, l’auteur disparaît sans laisser de trace. Jackson Harglow (Charlton Heston), grand patron d’Arcane, charge alors John Trent de le retrouver. Accompagné par Linda Styles (Julie Carmen), éditrice attitrée de Cane, Trent se retrouve à Hobb’s End, une petite ville qui n’est mentionnée sur aucune carte. A partir de là, l’enquête vire progressivement au cauchemar…

Le retour des « Grands Anciens »

In the Mouth of Madness s’inspire ouvertement de l’univers de H.P. Lovecraft, son titre évocant à la fois la ville Innsmouth et le roman « The Mountains of Madness ». Bien des fois, Carpenter parvient à provoquer des moments de terreur pure avec une remarquable économie de moyens, en particulier au cours du trajet nocturne qui mène Sam Neill et Julie Carmen jusqu’à Hobb’s End (nom emprunté à la station de métro des Monstres de l’espace, l’un des films culte du cinéaste). Près de quinze ans après Fog, le réalisateur de La Nuit des masques et de New York 1997 prouve qu’il n’a rien perdu de son savoir-faire et de sa personnalité. Un retour aux sources s’imposait de toute évidence après son écart du côté des superproductions hollywoodiennes. Des répliques savoureuses ponctuent L’Antre de la folie, comme « la réalité n’est plus ce qu’elle était » ou « je pense donc vous êtes ». Tout le film repose sur la détermination du protagoniste, attaché dur comme fer au cartésianisme et à la réalité concrète, mais finalement incapable de la distinguer de l’irréel. En ce sens, il est le vecteur d’identification idéal des spectateurs. Si les habitants de Hobb’s End finissent par se comporter comme des zombies classiques et si le « mur aux monstres », stade ultime de la métamorphose, n’atteint jamais les folies visuelles de The Thing (autre œuvre paranoïaque sous haute influence lovecraftienne), les abominations décrites dans L’Antre de la folie savent susciter le frisson et un malaise durable, en grande partie grâce aux artistes surdoués de l’atelier de maquillages spéciaux KNB. Quant au dénouement, il s’achemine tout bonnement vers la fin du monde et l’arrivée sur Terre des « Grands Anciens » ! Échec cuisant au box-office, L’Antre de la folie gagnera peu à peu ses galons de film culte jusqu’à se hisser au rang des œuvres les plus aimées de son réalisateur.

 

© Gilles Penso

 

Complétez votre collection



Partagez cet article