SNOWPIERCER, LE TRANSPERCENEIGE (2013)

2031 : le seul moyen de survivre à la glaciation qui a frappé la planète est d’entasser la population dans un train qui tourne autour du monde…

SNOWPIERCER / SEOLGUNGNYEOLCHA

 

2013 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Bong Joon-ho

 

Avec Chris Evans, Song Kang-ho, Jamie Bell, John Hurt, Tilda Swinton, Ed Harris, Octavia Spencer, Ewen Bremner, Ko Ah-sung, Tomas Lemarquis

 

THEMA FUTUR

Alors qu’il est en plein travail sur son film de monstre The Host, Bong Joon-ho découvre au hasard de ses pérégrinations dans son magasin de bandes dessinées préféré « Le Transperceneige ». Imaginée par Jacques Lob à la fin des années 70 et dessinée par Alexis puis Jean-Marc Rochette, cette série futuriste séduit immédiatement le cinéaste par son originalité, son audace et son absence de concessions. Il n’en faut pas plus pour lui donner l’envie de l’adapter à l’écran. Ses producteurs Park Chan-wook et Lee Tae partagent cet enthousiasme, mais l’entreprise s’annonce complexe et très coûteuse. Entretemps, The Host sort sur les écrans et triomphe non seulement auprès du public mais aussi de la critique. La machine Snowpiercer se met alors en branle. Première étape : restructurer entièrement les péripéties de la (longue) BD originale pour les adapter au scénario d’un film de deux heures. Deuxième étape : trouver le casting idéal. Le film étant budgété à 40 millions de dollars (une somme inédite pour le cinéma sud-coréen), il sera tourné en anglais afin de pouvoir être exploité dans le monde entier. D’où une distribution anglophone intégrant des acteurs de prestige tels que John Hurt, Tilda Swinton ou Ed Harris. Séduit par sa prestation dans le Sunshine de Danny Boyle, Bong Joon-ho propose à Chris Evans le rôle principal. Jamie Bell (l’inoubliable Billy Eliott de Stephen Daldry) le seconde. Un peu intimidé par l’ampleur de cette production, le cinéaste a aussi besoin de visages familiers dans son entourage immédiat. D’où la présence des comédiens Song Kang-ho et Ko Ah-sung, qui jouaient déjà un père et une fille dans The Host. L’équipe s’installe dans les studios Barandov, en République tchèque, où se construit un décor titanesque : 26 wagons grandeur nature dans lesquels se tiendra le tournage pendant 72 jours. Le voyage peut commencer…

Nous sommes dans le futur. Comme on pouvait le craindre, le réchauffement climatique a provoqué un dérèglement global de la planète. Pour enrayer le phénomène, un gaz expérimental baptisé CW7 est envoyé dans l’atmosphère. Mais l’effet obtenu est catastrophique. Une gigantesque vague de froid frappe tous les continents et la Terre entre dans une ère glaciaire. Ce qui reste de l’humanité s’est réfugié dans un train dont la proue brise la glace. Cet immense serpent de fer circule en circuit fermé depuis des années, charriant ses passagers répartis par classes sociales. Les plus pauvres sont entassés dans des conditions inhumaines dans les derniers wagons, les nantis jouissent de nombreux privilèges dans les voitures de tête, et le créateur de cette arche de Noé d’un nouveau genre, Wilford, s’assure du bon fonctionnement de la machine, érigé au statut de véritable gourou sauveur de l’humanité. Mais parmi les plus défavorisés, un vent de révolte gronde…

Titanic sur des rails

On le sait, le cinéma de Bong Joon-ho repose très souvent sur le décalage entre les classes sociales, le fossé se creusant jusqu’à un point de rupture qui mène généralement au chaos. L’une de ses plus grandes réussites, Parasite, en est la démonstration la plus éclatante. Mais Snowpiercer creusait déjà ce sillon, le prisme de la science-fiction autorisant toutes les disproportions pour mieux alimenter ce discours anthropologique. Version roulante et futuriste du Titanic, le Transperceneige court à la catastrophe justement parce que son organisation consiste à répartir les passagers par rang social. La révolution est inévitable, portée sur les épaules d’un petit groupe s’appuyant sur un équilibre instable. Curtis (Chris Evans) est la force tranquille mais excessivement déterminée, Edward (Jamie Bell) la fougue impétueuse de la jeunesse, Gilliam (John Hurt) la sagesse paternelle et vénérable. Le patronyme de ce dernier n’a pas été choisi au hasard. Car si d’autres œuvres de SF semblent avoir nourri l’imagination de Bong Joon-ho (on pense notamment à Soleil vert), le travail de Terry Gilliam en ce domaine est une de ses influences les plus apparentes. L’humour désespéré de Snowpiercer, ses exubérances, ses ruptures de ton, ses personnages hauts en couleur nous renvoient directement à Brazil et L’Armée des 12 singes, avec en bout de course un même constat désenchanté sur la nature humaine. La direction artistique du film est aussi l’une de ses grandes forces, les wagons de ce train rétro-futuriste au style partiellement cyberpunk se déployant sans fin comme une cité aux visages multiples, le Fritz Lang de Metropolis voyageant côte à côte avec le Fellini de Satyricon. Violent (le combat à la hache), surréaliste (la voiture-aquarium), spectaculaire (le climax), Snowpiercer est assurément une œuvre d’exception. Sept ans plus tard, le même sujet sera déployé dans une série TV du même nom créée par Josh Friedman et Graeme Manson.

 

© Gilles Penso

 

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