MORT SUR LE GRIL (1985)

Après Evil Dead, Sam Raimi collabore avec les frères Coen pour se lancer dans une comédie policière cartoonesque teintée d’horreur

CRIMEWAVE

 

1985 – USA

 

Réalisé par Sam Raimi

 

Avec Reed Birney, Paul L. Smith, Brion James, Louise Lasser, Bruce Campbell, Sheree J. Wilson, Antonio Fargas, Edward R. Pressman

 

THEMA TUEURS

Après les succès de leurs films respectifs Evil Dead et Sang pour sang, Sam Raimi et les frères Coen décident de travailler ensemble sur un film tournant autour de deux tueurs fous. Le scénario s’appelle d’abord Relentless, puis The XYZ Murders, avant d’être titré Broken Hearts and Noses et finalement Crimewave. Les distributeurs français, eux, choisiront un jeu de mot farfelu recyclant le titre du célèbre roman d’Agatha Christie. Le budget ayant considérablement grimpé depuis Evil Dead (trois millions de dollars, soit huit fois plus), Sam Raimi n’a pas vraiment les mains libres et doit justifier toutes ses décisions à ses producteurs. Bruce Campbell, que le réalisateur aurait logiquement voulu en tête d’affiche, est ainsi relégué à un second rôle au profit de Reed Birney, vu dans le Georgia d’Arthur Penn. Raimi voulait la monteuse Kaye Davis, on lui impose Michael Kelly et Kathie Weaver. Même son compositeur fétiche Joe LoDuca est écarté pour céder la place à Arlon Ober (Le Monstre qui vient de l’espace, Les Tueurs de l’éclipse). C’est donc sur la base de nombreux accommodements consentis de mauvaise grâce que s’élabore Mort sur le gril.

Tout commence au pénitencier Hudsucker (un nom que Raimi et les Coen réutiliseront pour Le Grand saut). Condamné à la chaise électrique pour un crime qu’il n’a pas commis, Vic Ajax (Reed Birney) essaie d’attendrir les gardiens en leur racontant son histoire. Le récit se construit donc comme un grand flash-back. Nous découvrons Vic dans son quotidien. C’est un homme timide, maladroit, un peu benêt, qui travaille pour Ernest Trend (incarné par le producteur Edward Pressman). Or ce dernier a décidé de se débarrasser de son associé Donald Odegard (Hamid Dana). Pour y parvenir, il convoque deux tueurs (Paul L. Smith et Brion James) qui se déplacent à bord d’une camionnette d’exterminateurs de rats. Mais ce sont des assassins psychopathes parfaitement incontrôlables. Entretemps, Vic s’amourache de la belle Nancy (Sheree J. Wilson), elle-même amoureuse du rustre Renaldo (Bruce Campbell). Tout ce beau monde finit par croiser la route des deux meurtriers désaxés dont rien ne semble pouvoir arrêter la folie destructrice.

Jack Nicholson version Tex Avery

Plongé dans une atmosphère rétro inspirée par les années quarante (les costumes, les décors, les vieilles machines à écrire, les appareils photos, les clubs de swing), Mort sur le gril se situe dans une période indéterminée et emprunte surtout ses effets de style aux dessins animés. Les bruitages, les effets, la musique et même le comportement des personnages évoquent bien souvent les Looney Tunes et Tex Avery. Paul Smith lui-même (inoubliable dans Midnight Express et Dune) agit comme une sorte de version toonesque du Jack Nicholson de Shining. De nombreuses scènes démentes s’articulent autour de sa massive présence, dont le point d’orgue est l’attaque de l’épouse de Trend (Louise Laser). Ici, tous les excès sont permis : la caméra qui fonce sur le tueur en même temps que les assiettes qu’on lui jette à la figure, la moquette de l’appartement arrachée à mains nues et surtout ce délirant chassé-croisé dans un magasin de portes qui s’achève par un gigantesque effet domino. Quant à la poursuite automobile finale, elle pousse encore plus loin le grain de folie, preuve de la virtuosité et de l’inventivité sans cesse en éveil d’un Sam Raimi pourtant bien souvent réfréné dans son élan. Difficile à vendre – il est aux confluents de l’horreur, du polar et de la comédie – et fruit d’une infinité de compromis, Mort sur le gril ne fera aucun éclat au box-office. « Le film n’est pas sorti, il s’est échappé », résumera Bruce Campbell, frustré comme les autres par cette expérience décevante. Il n’empêche que cette œuvre inclassable se distingue par ses nombreuses fulgurances. Raimi et les frères Coen poursuivront leurs expérimentations dans le domaine du cartoon en chair et en os, respectivement avec Evil Dead 2 et Arizona Junior.

 

© Gilles Penso

 

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