Cette variation très surprenante sur l’œuvre de Mary Shelley s’appuie sur le traumatisme de la bombe atomique, comme bon nombre de films de monstres nippons produits par la Toho, mais le réalisateur Inoshiro Honda et le créateur d’effets spéciaux Eiji Tsuburaya semblent surtout avoir trouvé là un bon prétexte pour rendre un nouvel hommage à King Kong, film culte qui leur inspira onze ans plus tôt le tout premier Godzilla. Les références au chef d’œuvre de Schoedsack et Cooper ne manquent pas, du monstre qui s’échappe après avoir été énervé par le flash des photographes jusqu’à ses déambulations au milieu des buildings d’une ville paniquée… Le maquillage karloffien du monstre est assez convaincant, tout comme les trucages optiques visualisant son gigantisme, malgré quelques transparences et maquettes un peu douteuses. On ne peut pas en dire autant de Baragon, ridicule dinosaure caoutchouteux affublé d’une corne lumineuse qui clignote, d’oreilles flottantes et d’écailles hérissées sur son dos. Sous cette défroque pseudo-reptilienne sue à grosses gouttes le cascadeur Haruo Nakajima. Après avoir affronté Baragon, notre gentil monstre doit encore lutter contre une pieuvre géante bien plus réussie – réminiscence de King Kong contre Godzilla – qui, comble de l’injustice, l’entraîne avec elle au fond des océans. Cette dernière séquence sera coupée dans la version américaine, titrée avec emphase Frankenstein Conquers the World (ce qui inspirera le titre francophone du film).
© Gilles Penso