CARD PLAYER (2003)

Dario Argento s’intéresse à un tueur psychopathe qui défie la police avec des parties de poker en ligne à l’issue sanglante…

IL CARTAIO / THE CARD PLAYER

 

2003 – ITALIE

 

Réalisé par Dario Argento

 

Avec Stefania Rocca, Liam Cunningham, Silvio Muccino, Adalberto Maria Merli, Fiore Argento, Cosimo Fusco, Mia Benedetta, Giovanni Visentin

 

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

L’idée originale de Card Player était de produire une suite du Syndrome de Stendhal dans laquelle Asia Argento reprendrait le rôle de l’inspecteur de police Anna Manni. Mais la fille de Dario passe son tour et le cinéaste doit revoir sa copie. Avec l’aide du scénariste Franco Ferrini (son complice sur Phenomena, Deux yeux maléfiques, Le Sang des innocents et justement Le Syndrome de Stendhal), il crée donc un autre personnage qui pourrait quasiment être son clone. Il s’agit en effet d’une autre femme flic qui sévit à Rome et porte un nom quasiment identique, Anna Mari. Pour succéder à sa fille Asia, Dario Argento choisit Stefania Rocca, vue notamment dans Le Talentueux Monsieur Ripley. Tourner dans la capitale italienne permet au réalisateur de renouer avec ses premières amours, puisque c’est là qu’il filma plus de trente ans plus tôt son long-métrage L’Oiseau au plumage de cristal. Pour autant, malgré la présence d’un tueur en série s’en prenant à de jolies femmes, maniant l’arme blanche et portant des gants noirs, nous sommes loin des codes habituels du giallo. Card Player s’efforce en effet de mêler l’horreur et le polar tout en intégrant un élément de modernité surprenant, en l’occurrence les jeux de carte en ligne.

Le film s’intéresse donc à un serial killer passablement dérangé qui se fait appeler « the card player », autrement dit « le joueur de cartes ». Son crédo est le kidnapping de jeunes femmes à Rome, qu’il endort à l’aide d’une injection de produit somnifère puis séquestre dans son repaire. À l’aide d’une webcam, le tueur défie la police en la forçant à jouer des parties de poker sur Internet. Le chef de la police (Adalberto Maria Merli) refuse catégoriquement d’entrer dans le jeu de l’assassin. Aussitôt, celui-ci égorge sa captive en direct, face à leurs yeux ébahis. La victime étant une touriste anglaise, le policier britannique John Brennan (Liam Cunningham, interprète du Davos Seaworth de Game of Thrones) est chargé de l’affaire et fait rapidement équipe avec Anna Mari. Pour éviter d’autres bains de sang, ils acceptent les parties de poker contre l’assassin, mais celui-ci gagne systématiquement et chacune de ses prisonnières en fait les frais. Le duo de flics recrute alors un jeune prodige des jeux de carte pour affronter le tueur, tout en menant l’enquête pour retrouver sa trace…

Cartes sur table

L’enquête policière qui sous-tend l’intrigue de Card Player est plutôt bien menée, en grande partie grâce à l’alchimie intéressante que donne la réunion à l’écran de Stefania Rocca et Liam Cunningham. Tous deux incarnent avec conviction ces policiers fragilisés s’appuyant un peu malgré eux l’un sur l’autre. Mais Argento capte ce récit sans y apposer de véritable patte, se conformant à l’imagerie classique d’une série policière urbaine et ne profitant qu’à peine du potentiel photogénique de Rome. Le relatif anonymat de cette mise en scène se brise tout de même par instant, notamment grâce à l’étrange bande originale électronique de Claudio Simonetti, les effets spéciaux de Sergio Stivaletti exposant en gros plan des cadavres particulièrement impressionnants, deux ou trois meurtres inventifs ou encore une poignée d’idées audacieuses. Parmi celles-ci, il y a ce reflet furtif du tueur caché dans les buissons qui apparaît sur les parois d’un cendrier, ou encore ce bruit inexpliqué qui retentit sur l’enregistrement audio des cris d’une victime et permettra des réorienter l’enquête (un élément qui évoque L’Oiseau au plumage de cristal). Mais ces tentatives restent isolées, comme juxtaposées un peu artificiellement sur un film par ailleurs relativement réaliste. Tout culmine hélas vers un climax parfaitement absurde qui ruine le château de cartes bâti par Argento et nous laisse sur une impression frustrante d’occasion manquée.

 

© Gilles Penso


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