DREAM (2008)

Le réalisateur coréen Kim Ki-duk conte la romance impossible entre deux êtres dont les rêves influent l’un sur le comportement de l’autre…

BI-MONG

 

2008 – CORÉE

 

Réalisé par Kim Ki-duk

 

Avec Joe Odagiri, Lee Na-young, Ji-A Park, Kim Tae-hyeon, Chang Mi-hee, Tae-Hyun Jin

 

THEMA RÊVES

Les personnages qui luttent pour ne pas s’endormir, de peur que le pire ne survienne, sont des figures souvent marquantes du cinéma fantastique, comme en témoignent notamment les héros de L’Invasion des profanateurs de sépulture ou des Griffes de la nuit. Mais le sommeil finit toujours par l’emporter, et la lutte contre les forces du mal s’impose coûte que coûte. S’il n’est pas question d’aliens voleurs de corps ou de tueurs aux griffes acérées dans Dream, le combat de l’homme contre l’endormissement est toujours au cœur du récit. Car en s’abandonnant dans les bras de Morphée, on perd le contrôle de soi-même, on laisse le subconscient prendre le pas, on oublie les barrières morales et sociales. Tel est le sujet du quinzième long-métrage de Kim Ki-duk, reposant sur un concept insolite et fascinant. Jin (Jo Odagiri) se réveille après un cauchemar dans lequel il cause un accident de voiture. En se rendant sur les lieux, il découvre qu’un accident identique à celui de son rêve vient de se produire, et qu’une jeune femme nommée Ran (Na-yeong Lee) est accusée de délit de fuite. Or cette dernière affirme qu’elle a dormi toute la nuit. Bientôt, Jin et Ran découvrent une étrange corrélation entre eux : quand Jin rêve, Ran agit inconsciemment dans son sommeil. Or Jin ne peut s’empêcher de rêver à son ancienne compagne, dont il est toujours amoureux, poussant nuitamment Ran à se rendre chez son ex-fiancé, qu’elle déteste…

Le lien inexplicable qui unit Jin et Ran va déboucher, on s’en doute, sur une histoire d’amour, et l’on imagine sans peine ce que des scénaristes hollywoodiens rompus à l’exercice de la comédie romantique auraient pu tirer d’un tel point de départ. Mais Kim Ki-duk n’a jamais cherché la linéarité au sein de son œuvre, et ceux qui ont pu découvrir son glacial long-métrage L’île savent que chez le cinéaste coréen, les idylles ont tendance à prendre des teintes rouge sang. A ce titre, les séances de torture que Jin s’inflige pour ne pas s’endormir sont souvent à la limite du supportable, opérant un lent basculement de la romance fantastique vers le drame psychologique et l’horreur.

La planète des songes

D’emblée, la « love story » qui s’amorce semble vouée à l’échec puisque le salut de Jin et Ran repose sur leur désynchronisation, chacun s’endormant à tour de rôle pour éviter que les rêves de l’un n’influent sur le comportement de l’autre. Dream repose beaucoup sur le jeu habité et intense de Jo Odagiri (Shinobi) et Na-yeong Lee (Dream of a warrior). La mise en scène elle-même joue la carte de la sobriété, voire de l’austérité, Kim Ki-duk ne cherchant jamais à esthétiser à outrance son propos ni à gommer les ralentissements de rythme qu’il estime nécessaires au bon déroulement de son récit. Du coup, Dream laisse une impression mitigée, le film n’exploitant pas avec autant d’efficacité qu’on l’aurait souhaité son concept extraordinaire, et s’achevant sur des images certes très poétiques, mais franchement frustrantes d’un point de vue scénaristique. Quoiqu’il en soit, ce récit hors norme continue à trotter longtemps dans l’esprit du spectateur après son générique de fin, preuve que Ki-duk sait marquer les esprits et imprégner chacun de ses films d’une indéniable personnalité.

 

© Gilles Penso


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