LES ÉVADÉS DE LA PLANÈTE DES SINGES (1971)

Un troisième épisode qui alterne la comédie et le drame tout en bâtissant un vertigineux paradoxe temporel…

ESCAPE FROM THE PLANET OF THE APES

 

1971 – USA

 

Réalisé par Don Taylor

 

Avec Roddy McDowall, Kim Hunter, Bradford Dillman, Natalie Trundy, Eric Braeden, William Windom, Sal Mineo, Albert Salmi, Ricardo Montalban

 

THEMA SINGES I VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

Réalisé un peu « à l’arrache » pour éviter de creuser le déficit de la 20th Century Fox, Le Secret de la planète des singes était initialement conçu comme un film achevant le diptyque sans suite possible. Que raconter de plus après son climax en forme de gigantesque explosion nucléaire ? Mais les voies du succès sont impénétrables. Le film triomphe au box-office, tout comme son prédécesseur. Face à cet accueil inespéré, le producteur Arthur P. Jacobs se fend d’un télégramme adressé au scénariste Paul Dehn : « Les singes existent, il faut une suite. » Dehn s’exécute et trouve une idée géniale : juste avant la déflagration ayant détruit la planète des singes, trois primates se sont échappés à bord du vaisseau des humains et ont effectué le voyage temporel inverse, revenant donc sur la Terre à notre époque. Ce concept présente de multiples avantages. Non content de bâtir la boucle temporelle qui expliquera comment les singes sont devenus l’espèce dominante dans le futur, il permet de drastiques économies budgétaires (il n’y a plus que trois acteurs à maquiller en singes, le cadre est contemporain) et offre la possibilité d’alterner la comédie et le drame en se centrant sur une intrigue plus intime. Séduit par ce scénario, le réalisateur Don Taylor s’embarque dans l’aventure. Comme son prédécesseur Ted Post (dont les relations avec la production s’altérèrent pendant le tournage du Secret de la planète des singes), Taylor est un vétéran de la télévision, pour laquelle il réalise à la chaîne des épisodes de séries depuis le milieu des années 50. Plus tard, il signera d’autres films fantastiques mémorables comme L’île du docteur Moreau, Damien : la malédiction 2 et Nimitz retour vers l’enfer.

Le film commence par une séquence réjouissante. Un vaisseau spatial atterrit sur une plage (celle où fut tourné l’inoubliable chute de La Planète des singes) et laisse émerger trois astronautes. Les autorités et la presse se massent autour de l’engin, très heureux d’accueillir ces mystérieux visiteurs de l’espace. Mais lorsqu’ils retirent leurs casques, l’enthousiasme cède le pas à la stupeur : ce sont des singes ! Aussitôt, la musique mi-classique mi-funky de Jerry Goldsmith (de retour après avoir été remplacé par le compositeur Leonard Rosenman dans Le Secret de la planète des singes) retentit avec fougue, annonçant la tonalité teintée d’humour de la première partie du métrage. Alors que chacun se perd en conjectures face à ces singes intelligents capables de parler, l’opinion publique les transforme rapidement en icones. Après un séjour forcé au zoo, ils ont droit à tous les honneurs, y compris une chambre splendide en ville et de nombreux cadeaux. Mais plusieurs personnalités s’inquiètent de leur présence, notamment un conseilleur scientifique qui voit chez eux une menace…

Les fugitifs

Tout le sel de la première partie du film repose sur l’inversion des rôles. Ici, les singes ne sont plus les antagonistes mais des personnages immergés dans un contexte anachronique qu’ils ne connaissent pas. Ce sont les humains qui jouent le rôle d’obstacles et d’opposants, seuls certains d’entre eux s’affirmant comme alliés des primates. Car ces derniers basculent progressivement du statut de chouchous adulés des foules à celui d’êtres indésirables et inquiétants. Au centre du récit, Zira et Cornelius (à nouveau campés par Kim Hunter et Roddy McDowall) nous amusent, nous touchent et nous émeuvent. La seconde partie du film prend la tournure d’une impitoyable course-poursuite, rythmée par une série d’incidents que le compositeur Jerry Goldsmith accompagne pas à pas (dans un registre proche de la partition qu’il écrira pour Capricorn One). En transposant ses péripéties dans le monde des humains, le scénario des Évadés de la planète des singes peut se permettre d’aborder plusieurs sujets de société (l’expérimentation animale, la guerre nucléaire, le pouvoir des médias, le racisme et l’intolérance) jusqu’à un dénouement déchirant qui ouvre la porte vers une suite inévitable. Car contrairement aux deux premiers épisodes, celui-ci est ouvertement conçu pour que la saga puisse se poursuivre.

 

© Gilles Penso


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