LE VILAIN PETIT CANARD (1959)

Une très curieuse déclinaison parodique et musicale du mythe de Dr. Jekyll et Mr. Hyde produite par la Hammer…

THE UGLY DUCKLING

 

1959 – GB

 

Réalisé par Lance Comfort

 

Avec Bernard Bresslaw, John Pertwee, Maudie Edwards, Norma Marla, Reginald Beckwith, Richard Wattis, Jean Muir

 

THEMA JEKYLL ET HYDE

A la fin des années cinquante, le studio Hammer décide d’enrichir son patrimoine fantastique en ajoutant aux incontournables adaptations des Universal Monsters (Frankenstein s’est échappé, Le Cauchemar de Dracula, La Malédiction des pharaons) d’autres figures emblématiques. D’où l’idée de réinventer le célèbre docteur Jekyll. Bizarrement, l’approche choisie n’est cette fois-ci pas celle d’un film d’épouvante classique mais la parodie. Le générique, défilant sur une musique jazzy enjouée, annonce la couleur puisqu’on peut y lire : « avec des idées volées à Robert Louis Stevenson ». Descendants du fameux docteur Jekyll qui, jadis, provoqua le scandale, Henry, Victor et Henrietta tiennent une pharmacie en ville. Si Victor et Henrietta ont la tête sur les épaules (passant leurs soirées dans un club de jazz où le premier officie comme chef d’orchestre et la seconde comme danseuse), Henry est la honte de la famille. Maladroit, débraillé, timide et un peu idiot, il tombe un jour par hasard sur la formule de son aïeul, qui promet de réveiller en chacun sa pleine potentialité. Il la fabrique, l’absorbe, et devient soudain un autre homme, répondant désormais au nom de Teddy Hyde.

Le vilain petit canard du titre se réfère donc à Henry, le grand dadais de la famille à qui le comédien Bernard Bresslaw prête sa silhouette dégingandée. Lorsqu’il avale la formule de son ancêtre, il est soudain saisi de convulsions tandis que la musique de Joe Loss semble reprendre le thème de James Bernard écrit pour Le Cauchemar de Dracula. Soudain, il arbore une petite moustache à la Clark Gable, une coupe gominée, un port altier et une démarche assurée, sa grande taille lui donnant presque les allures d’un Christopher Lee de seconde zone. Au mépris de la cohérence la plus élémentaire, il se fait embaucher en quelques secondes par les gangsters qui détiennent le plus grand night-club de la ville pour se joindre à un cambriolage de grande envergure.

Une descendance prestigieuse

Quelques idées amusantes ponctuent le métrage, comme le vieux portrait de l’aïeul strict et chauve qui prend des allures de monstre velu lorsque Henry le regarde (clin d’œil manifeste au « Portrait de Dorian Gray »). Mais Le Vilain petit canard reste une comédie poussive et très anecdotique, multipliant les longues et inutiles séquences de danse et enchaînant les quiproquos et autres situations absurdes au cours d’un climax balourd. Pour autant, le film de Lance Comfort est au moins notable pour un élément clé de son scénario : l’idée d’un Jekyll banal – voire laid – et d’un Hyde séduisant. Ce concept sera réutilisé tel quel dans une seconde adaptation du mythe par le studio Hammer, produite quasi-simultanément et réalisée avec panache par Terence Fisher, l’excellent Les Deux visages du docteur Jekyll. Il sera même recyclé dans la remarquable parodie de Jerry Lewis, Docteur Jerry et Mister Love. Ainsi, même si Le Vilain petit canard est aujourd’hui tombé dans l’oubli, sa descendance s’avère prestigieuse.

 

© Gilles Penso


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