TERREUR SUR LA VILLE (1976)

Un tueur en série sévit dans une petite bourgade tranquille du sud des États-Unis, laissant la police locale démunie…

THE TOWN THAT DREADED SUNDOWN

 

1976 – USA

 

Réalisé par Charles B. Pierce

 

Avec Ben Johnson, Andrew Pine, Dawn Wells, Jimmy Clem, Jim Citty, Charles B. Pierce

 

THEMA TUEURS 

Située à la frontière du Texas et de l’Arkansas, Texarkana (ça ne s’invente pas !) est une petite ville tranquille, la parfaite carte postale de l’Amérique rurale de l’après-guerre, loin du tohu-bohu des grandes villes. Pourtant, en cet été 1946, les habitants vont vivre dans la peur suite aux meurtres sans mobile apparent d’un tueur masqué s’en prenant à des jeunes gens dans les environs du lac. Dépassée, la police fait appel à un profiler du FBI mais l’enquête piétine. Tirée de faits réels, comme le stipule la sentencieuse la voix off intervenant régulièrement au cours du film afin de faire le point sur la situation, Terreur sur la ville brouille les pistes entre reproduction et reconstitution. Mais en l’absence de survivant ou de témoin lors de certains crimes, le spectateur est bien obligé de se demander si les faits relatés sont authentiques ou le fruit d’une inspiration sadique. Comme cette mise à mort gratinée au cours de laquelle le tueur attache un couteau à un trombone à coulisse avant d’entonner une mélodie aussi fausse que fatale en raison des coups portés lors des va-et-vient de l’instrument dans le dos d’une victime (la femme du réalisateur, vraisemblablement consciente que cette scène pourrait lui valoir le titre de « scream queen ») ligotée face contre un arbre. Le style sobre du « documenteur » s’efface alors momentanément au profit d’une mise en scène digne d’un giallo. Et bien que cette scène soit complètement fictive, elle constitue peut-être le moment le plus iconique et marquant du film.

Les premières images surprennent pourtant : la photographie, classique et même classieuse, en met plein les mirettes et ferait presque croire à un film de studio au budget conséquent. Le prologue, narré par une voix off annonçant sans détour que la paix apparente ne va pas durer, fait preuve d’un réel sens du cadre et du découpage. Pour un peu, on croirait voir un film à la maitrise digne du John Carpenter de Assaut. Hélas, sitôt les premiers personnages introduits à l’écran, une direction d’acteur hésitante, voire complètement hasardeuse lorsque le réalisateur s’essaie à la comédie (un policier aussi zélé qu’idiot donne envie de lever les yeux au ciel) vient doucher l’enthousiasme initial. Pour ne rien arranger, le montage s’avère très mal dégrossi, avec une fâcheuse tendance à traîner en longueur après certaines répliques au lieu d’enchaîner sur la suivante. Et pour les plus observateurs, le manque de moyens est trahi par la reprise systématique des mêmes véhicules d’époque d’une scène à l’autre, dans des « rôles » différents qui plus est ! Charles B. Pierce mène sa barque cahin-caha jusqu’au bout de la durée syndicale d’1h25, et s’il n’a pas le talent ou la personnalité de Tobe Hooper ou John Carpenter, il faut lui reconnaitre un certain savoir-faire et suffisamment d’aplomb en dépit d’un micro-budget.

Slasher année zéro

Terreur sur la ville jouit d’un certain statut « culte » en grande partie dû au fait qu’il fut longtemps invisible en salles et en vidéo. Mais soyons honnête : malgré son indéniable contribution à la définition du cahier des charges du slasher (tueur masqué et mise à mort aussi inventive que sadique à la clé), il n’arrive pas à la cheville de Massacre à la tronçonneuse ou Halloween sortis à la même période. Rétrospectivement, on peut voir le genre comme un révélateur inconscient de la prise de conscience, après le Vietnam et l’affaire du Watergate, du fait que l’Amérique triomphante de l’après-Seconde Guerre était elle-même gangrenée jusque dans ses propres campagnes par le mal et la violence. Une rupture entre l’Amérique de Kennedy et celle de Nixon, un contraste entre le cinéma hollywoodien et le cinéma indépendant émergeant, parfaitement illustrés ici bien que les faits relatés se passent en fait trois décennies auparavant. Le film débute avec des jeunes gens se rendant à un bal dans la parfaite lignée de celui de Retour vers le futur, puis enchaine sur une ambiance plus « redneck » avec ses scènes de meurtres champêtres et des policiers aussi peu fins que démunis face à ces meurtres en série. S’il reste une authentique série B de par son budget et ses méthodes de production (financement participatif local et totalement indépendant) et de distribution (les drive-in, principalement), Terreur sur la ville fait néanmoins preuve d’une approche formelle avant-gardiste. Il reste également le principal titre de gloire de Charles B.Pierce et fera l’objet d’un remake produit par Jason Blum en 2014.

 

© Jérôme Muslewski


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