GÉNÉRATION PROTEUS (1977)

Une jeune femme est séquestrée par un ordinateur extrêmement puissant qui prend le contrôle de son appartement puis lui réclame l’impensable…

DEMON SEED

 

1977 – USA

 

Réalisé par Donald Cammell

 

Avec Julie Christie, Fritz Weaver, Gerrit Graham, Berry Kroeger, Lisa Lu, Larry J. Blake, John O’Leary, Alfred Dennis

 

THEMA OBJETS VIVANTS I ROBOTS

A mi-chemin entre l’horreur et la science-fiction, Génération Proteus s’inscrit dans un cadre légèrement futuriste et porte en substance de nombreuses obsessions chères à son réalisateur Donald Cammell. Ce dernier est une personnalité atypique dans le milieu artistique. Peintre, scénariste, proche des Rolling Stones et de Marlon Brando, il n’aura réalisé qu’une poignée de longs-métrages dans sa carrière, notamment le très remarqué Performance en 1970 (co-dirigé par Nicolas Roeg), puis le thriller horrifique L’Œil du tueur en 1987 et le polar sulfureux Wild Side en 1996. Le reste de ses activités est surtout dédié à la mise en scène de clips musicaux, notamment pour le groupe U2. Génération Proteus n’est pas un projet personnel, dans la mesure où il s’agit de l’adaptation du roman de Dean Kontz « La Semence du Démon », publié en 1973, mais Cammell parvient à se l’approprier pleinement, malgré la frustration de ne pas avoir pu obtenir Brando dans le rôle masculin principal. Son casting ne démérite pas pour autant, avec en tête Julie Christie, Fritz Weaver et Robert Vaughn (non crédité au générique) dans le rôle vocal du redoutable ordinateur Proteus.

Avant-gardiste, le scénario de Génération Proteus (co-écrit par Robert Jaffe et Roger O. Hirson) s’intéresse à l’ingénieur Alex Harris (Weaver) qui vient de se séparer de sa femme Susan (Christie). Cette dernière vit dans un appartement entièrement géré par un système domotique baptisé « enviromod ». Tout y est contrôlé par ordinateur : la lumière, la musique, les boissons, les stores, les portes… Bref, des gadgets robotiques et des caméras ont été installés partout. De son côté, Alex a mis au point un super ordinateur répondant au nom de Proteus IV, qui s’intéresse aux êtres humains et décide de les étudier. Pour y parvenir, il réclame un terminal personnel, ce qu’Alex lui refuse. Proteus prend alors l’initiative de s’approprier le terminal que son créateur possède dans l’appartement où vit Susan. À partir de là, les choses dégénèrent à toute vitesse. L’ordinateur prend en effet le contrôle de l’appartement et séquestre la jeune femme. « Essayez d’avoir un comportement rationnel », lui dit-il d’un air qui se veut apaisant. Mais la suite des événements n’incite guère au calme, dans la mesure où Proteus contrôle à distance l’un des robots (un chariot équipé d’un bras articulé) qui s’empare de Susan, l’attache sur une table et découpe ses vêtements. Le premier objectif de Proteus : effectuer des analyses médicales sur son corps. Le suivant : réclamer d’elle un enfant !

Contre-nature

En s’appuyant sur l’inéluctable omnipotence d’un ordinateur ayant – comme un monstre de Frankenstein face à son créateur – décidé d’échapper à tout contrôle en suivant sa propre voie, fut-elle contre-nature, Génération Proteus, collecte des séquences de suspense d’une redoutable efficacité. C’est par exemple le cas lorsqu’un des collègues d’Alex décide de lui rendre visite. La machine intelligente recrée alors l’image de Susan via le visiophone et l’éconduit. Lorsque le collègue en question revient à la charge, c’est en machine géante faite de polygones articulés à géométrie variable que Proteus se transforme pour faire front (via de très efficaces effets spéciaux mécaniques conçus par l’équipe de Tom Burman). Le film nous interroge naturellement sur les questions éthiques liées à la robotique et à l’intelligence artificielle, mais aussi sur le concept même de nature humaine. A Proteus, qui lui signifie son envie d’étudier son corps, Susan répond : « mon esprit et mon corps ne font qu’un. » Mais ce concept de fusion entre le contenant et le contenu semble échapper à la machine, qui pousse l’opiniâtreté jusqu’à insérer une aiguille dans le cerveau de sa captive pour lui implanter la volonté d’avoir un enfant. Le film distille ainsi une terreur viscérale et sensitive qui touche la chair autant que l’intellect. Inéluctable, le climax nous offre une sorte de « trip » psychédélique fait d’images cosmiques et géométriques soutenues par une partition planante de Jerry Fielding. 2001 l’odyssée de l’espace nous revient alors à l’esprit. En voyant Génération Proteus, Warren Beatty aurait téléphoné à Julie Christie pour lui dire avec embarras : « tu viens de ruiner ta carrière ! » Il l’engagera pourtant l’année suivante pour jouer à ses côtés dans Le Ciel peut attendre.

 

© Gilles Penso


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