Théma OBJETS VIVANTS

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »

Alphonse de Lamartine, Méditations

L’une des plus grandes frayeurs de l’homme moderne repose sur l’expectative que les machines et les objets destinés à le servir au quotidien décident subitement de se retourner contre lui. Cette peur panique s’associe à un profond sentiment d’impuissance et d’aliénation, qui pourrait se résumer à cette interrogation : « que serions-nous sans nos objets ? » Privés des innombrables choses manufacturées qui nous entourent depuis notre naissance, à quoi nos vie se résument-elles ? Pire : si les objets en questions décident de prendre le pouvoir, comment lutter ? Ne faut-il pas, dès lors, régresser jusqu’aux réflexes bruts de nos ancêtres préhistoriques pour espérer rendre le combat équitable ? Chef de file des objets susceptibles d’attaquer l’homme, le véhicule en général (et la voiture en particulier) figure en très bonne place, qu’il soit possédé par un esprit maléfique (Enfer mécanique, En plein cauchemar, Christine) ou doté d’autonomie suite à un phénomène cosmique (Maximum Overdrive). « L’automobile, image récurrente de la réussite de nos sociétés technologiques, devient une image transgressive lorsqu’elle prend vie », nous affirment Bernard Millet et Denis Labbé dans leur recueil « Le Fantastique ». « Ce sont des sentiments humains qui sont prêtés à la voiture, jalousie, désespoir, sens de la justice… » 

 

A vrai dire, l’anthropomorphisme des véhicules n’a pas attendu le cinéma, ni même la littérature. Les constructeurs leur donnent des noms (souvent féminins), les conducteurs les chouchoutent au-delà du raisonnable, et lorsqu’un accident minime raye la carrosserie, l’alchimie entre l’homme et la machine semble presque surnaturel, tant le conducteur associe l’accrochage à une agression physique personnelle. Mais d’autres objets savent prendre vie et se montrer agressif à l’écran, qu’ils soient mus par les pouvoirs surnaturels d’un enfant mutant (Le Démon dans l’île), par une entité malfaisante (L’Ascenseur, The Mangler) ou par la Mort elle-même les utilisant comme vecteurs pour faucher les vivants lui ayant impunément échappé (la saga Destination Finale). Certes, l’objet vivant n’est pas toujours maléfique, comme en témoignent la sympathique Coccinelle de Walt Disney ou l’ordinateur romantique d’Electric Dreams. Mais cet animisme contre-nature suscite toujours une inquiétante étrangeté, cette dernière étant l’essence même du genre Fantastique.

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS

1968: Un amour de Coccinelle de Robert Stevenson

1974: Le Nouvel amour de Coccinelle de Robert Stevenson

1976: Crash de Charles Band

1977: Enfer mécanique d’Elliot Silverstein

1983: Christine de John Carpenter

1983: Le Démon dans l’île de Francis Leroi

1983: En plein cauchemar de Joseph Sargent

1983: L’Ascenseur de Dick Maas
1984: Electric Dreams de Steve Barron
1986: Maximum Overdrive de Stephen King

1987: Creepshow 2 de Michael Gornick

1987: Mannequin de Michael Gottlieb

1993: Ghost in the Machine de Rachel Talalay

1994: La Presseuse Diabolique de Tobe Hooper

1997: Trucks de Chris Tomson
2000: Destination Finale de James Wong

2001: L’Ascenseur – niveau 2 de Dick Maas

2002: The Mangler 2 de Michael Hamilton-Wright

2005: La Coccinelle revient d’Angela Robinson

2005: The Mangler Reborn de Matt Cunningham et Erik Gardner
2006: Creepshow 3 d’Ana Clavel et James Glenn Dudelson

2010: Rubber de Quentin Dupieux

2021: Willy’s Wonderland de Kevin Lewis

2023: Five Nights at Freddy’s d’Emma Tammi