CRUEL JAWS (1995)

Le roi du cinéma bis italien Bruno Mattei réalise une imitation tardive des Dents de la mer qu’il truffe d’extraits de films volés un peu partout…

CRUEL JAWS / FAUCI CRUDELI

 

1995 – USA

 

Réalisé par Bruno Mattei

 

Avec Richard Drew, David Luther, George Barnes Jr., Scott Silveria, Kristen Urso, Sky Palma, Norma J. Nesheim, Gregg Hood, Carter Collins, Natasha Etzer

 

THEMA MONSTRES MARINS

Pour les amateurs de cinéma bis, le nom de Bruno Mattei évoque tout de suite des œuvres improbables généralement guidées par un double code de conduite : le plagiat et le mauvais goût. Amateur de pseudonymes aux tonalités américaines cachant comme ils peuvent sa nationalité italienne, Mattei a signé des films tels que Virus cannibale, Les Rats de Manhattan, Robowar ainsi qu’un nombre incalculable de polissonneries érotiques. Lorsqu’il s’attaque à Cruel Jaws, son palmarès dans le domaine du cinéma nanardesque est donc déjà fort impressionnant. Persuadé que le succès des Dents de la mer fait encore recette vingt ans après sa sortie, notre homme réunit 300 000 dollars et part en Floride pour tourner une imitation du classique de Steven Spielberg avec une toute petite équipe locale. Le problème est que Mattei ne parle pas un mot d’anglais. Peu importe, il saura toujours se faire comprendre par les techniciens. Pour ce qui est des acteurs, ils se débrouilleront avec le script traduit à la va-vite qui leur a été fourni. La plupart d’entre eux ne sont d’ailleurs pas des comédiens professionnels mais des « beaux gosses » recrutés sur les plages.

Le scénario présente la singularité de ne réserver quasiment aucune surprise. Nous sommes dans une petite ville balnéaire américaine qui vit principalement de son activité touristique. Lorsqu’un cadavre à moitié dévoré est découvert sur la plage, le shérif, épaulé par un jeune océanographe, juge bon de fermer les plages et d’alerter les autorités. Mais le maire de la ville et un promoteur véreux lui demandent de ne pas s’emballer. Il ne s’agirait pas non plus de priver le commerce local de son gagne-pain alors que la grosse saison estivale approche. Ça vous dit vaguement quelque chose ? Attendez, ce n’est pas tout ! Bruno Mattei nous offre aussi la scène de baignade nocturne d’une jeune fille qui se fait happer par un requin, la capture d’un squale qui va s’avérer ne pas être le bon et le bateau du pêcheur aguerri qui part à la chasse au monstre en plein océan, accompagné par une musique épique qui ne se prive aucunement pour reprendre des mesures de la bande originale de Star Wars, des Aventuriers de l’arche perdue et de Superman ! Certaines répliques sont directement empruntées au livre « Jaws » de Peter Benchley (« On pourrait les comparer à des locomotives avec des mâchoires pleines de dents acérées »). D’autres sont carrément des recyclages des dialogues du film de Spielberg, notamment l’impayable « Il nous faudrait un plus gros hélicoptère » !

Les Dents de la mer 5

Tout ce que Mattei croit bon ajouter au scénario pour tenter de s’éloigner un peu de celui des Dents de la mer ne présente strictement aucun intérêt : des scènes de drague sur la plage avec des filles en maillot de bain, des garçons en chaleur et des dialogues pleins de poésie (« Une super nana, des nichons comme des melons ! ») ; des mafieux menaçants (un élément présent dans le roman de Benchley que Spielberg avait décidé de supprimer) ; les soucis financiers du patron d’un parc marin local (incarné par un sosie du catcheur Hulk Hogan) ; un peu de gore (la signature Mattei)… Le plus étonnant, dans ce Cruel Jaws, est le fait que tous les plans de requins aient été empruntés sans la moindre autorisation à d’autres films. La plupart des gros plans du squale proviennent de La Mort au large d’Enzo G. Castellari. Mais le connaisseur pourra aussi détecter des images issues de Deep Blood de Joe d’Amato ainsi que des trois premiers films de la saga des Dents de la mer, carrément ! Le générique du film crédite Larry Mannini pour le design original du requin et les effets spéciaux, et un certain Ernest Stark pour les effets mécaniques du requin. Bien sûr, ces personnes n’existent pas. Ce bon vieux Bruno Mattei ne faisant pas les choses à moitié, son film sortit sur certains territoires sous le titre de Jaws 5 ! Quoi d’étonnant, de la part d’un homme dont le film de SF horrifique Shocking Dark fut distribué en 1989 avec le titre Terminator 2 ?! Ah, sacré Bruno… Des cinéastes comme ça, on n’en fait plus.

 

© Gilles Penso


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