LOST, LES DISPARUS (2004-2010)

Quel est le secret de l’île tropicale sur laquelle se sont échoués les passagers du vol 915 d’Oceanic Airlines ? 

LOST

 

2004/2010 – USA

 

Créée par Jeffrey Lieber, J.J. Abrams, Damon Lindelof

 

Avec Matthew Fox, Evangeline Lilly, Naveen Andrews, Emilie de Ravin, Jorge Garcia, Maggie Grace, Josh Holloway, Dominic Monaghan, Terry O’Quinn

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I MORT I MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS

Un œil s’ouvre en gros plan, découvrant d’immenses arbres tropicaux qui se dressent vers le ciel. L’homme revient à lui, haletant, son costume défait, sa cravate de travers. Mais il n’est pas seul. Un chien émerge dans la forêt, s’avance vers lui la langue pendante avant de s’éloigner avec indifférence. Notre homme se redresse avec difficulté, le visage couvert de griffures. Puis il s’élance, accélérant le pas au milieu d’une végétation de plus en plus dense, sans remarquer qu’une chaussure est accrochée à l’un des arbres. Il finit par déboucher sur une grande plage, avec l’océan à perte de vue. Ce sont les cris qui finissent par attirer son attention, ceux de dizaines de survivants terrifiés qui émergent de la carcasse fumante de ce qui fut jadis un avion… Tous ceux qui ont vu le premier épisode de Lost se souviennent encore du choc ressenti par cette entrée en matière percutante, nouvelle preuve de l’art indiscutable de l’accroche cultivé par J.J. Abrams. Ce n’est pourtant pas le créateur d’Alias qui est à l’origine de Lost mais le directeur de la chaîne ABC, Lloyd Brown. En vacances à Hawaï en 2003, il regarde Seul au monde de Robert Zemeckis lors d’une de ses rediffusions et se dit que cette histoire de naufragé se déclinerait à merveille sous forme de série télévisée. Le succès de la télé-réalité Survivor, qui rameute à l’époque les foules devant les petits écrans, le conforte dans cette idée. Le scénariste Jeffrey Lieber est chargé de développer le concept, mais ce qu’il écrit ne suffit pas à convaincre la chaîne. C’est là qu’Abrams entre en scène, épaulé par Damon Lindelof. Les trois hommes partageront le crédit de créateurs de la série.

Lost, les disparus raconte donc les déboires d’un groupes de survivants réunis sur ce qui ressemble à une île tropicale inhabitée après le crash du vol 915 d’Oceanic Airlines. Au sein de ce feuilleton choral, la personnalité de Jack Shephard (Matthew Fox) émerge. Ce chirurgien charismatique devient le guide de la petite troupe, les résonnances bibliques de son patronyme (qu’on pourrait traduire par « berger ») n’ayant bien sûr pas été choisies au hasard. Son autorité est assez rapidement remise en question par Sawyer (Josh Holloway), le mauvais garçon de la bande qui va s’ériger en rival amoureux dans la romance naissante qui s’installe avec Kate Austen (Evangeline Lilly). Car il y a des composantes de soap opera dans Lost, mêlées à une bonne dose de suspense et à un basculement régulier dans le fantastique pur. L’île regorge en effet de mystères et d’éléments surnaturels : la présence incompréhensible d’ours polaires, le surgissement d’un « monstre de fumée » rugissant et destructeur, un groupe mystérieux d’habitants qui seront surnommés « les autres », des stations de recherche scientifique installées par une organisation inconnue, une trappe métallique enfouie sous le sol… Parallèlement aux errances de nos naufragés, de nombreux flash-backs ponctuent le récit pour nous en apprendre plus sur chaque personnage et sur les interconnexions qu’ils pourraient bien avoir les uns avec les autres.

L’île mystérieuse

Bénéficiant de budgets très conséquents (le pilote à lui seul a coûté 14 millions de dollars, un record dans le genre), Lost joue avec maestria sur les attentes des téléspectateurs. Chaque épisode se clôt sur un cliffhanger palpitant et les fins de saisons sont des modèles de frustration savamment orchestrée. On ne compte plus le nombre de théories qu’auront échafaudé les fans pour tenter de comprendre le fin mot de l’histoire et de justifier les phénomènes inexpliqués de cette île mystérieuse. Mais au bout du compte, même les plus assidus finissent par voir leur foi émoussée. Et si tout ceci n’était qu’une vaste supercherie ? Les scénaristes ne seraient-ils pas en train d’essayer de nous faire croire qu’ils savent où ils vont alors qu’en réalité ils improvisent à l’aveuglette ? Ce sentiment que personne – ni les auteurs, ni le public – ne saura jamais où tous ces mystères mènent devient de plus en plus prégnant. Il y aura pourtant un dénouement avec une explication s’efforçant de rationnaliser tout ce que nous avons vu pendant six saisons. Mais cette conclusion se révèle très décevante, bien en deçà des attentes et des fantasmes. Comment pouvait-il en être autrement ? Il n’empêche que Lost est entré dans les mémoires comme l’un des feuilletons les plus originaux, les plus captivants et les plus addictifs de l’histoire de la télévision.

 

© Gilles Penso


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