GODZILLA MINUS ONE (2023)

Le titan radioactif déploie toute sa rage destructrice dans cet épisode remarquable à mi-chemin entre le drame d’après-guerre et le film catastrophe…

GOJIRA MAINASU WAN

 

2023 – JAPON

 

Réalisé par Takashi Yamazaki

 

Avec Ryunosuke Kamiki, Minami Hamabe, Yuki Yamada, Munetaka Aoki, Hidetaka Yoshioka, Sakura Ando, Kuranosuke Sasaki

 

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA

Quel bonheur d’entrer dans une salle de cinéma, de voir les lumières s’éteindre et de contempler le logo Toho qui brille au beau milieu de l’écran, porteur de promesses indicibles pour l’amateur de grands monstres japonais de la première heure ! La dernière fois que les cinéastes nippons avaient ressuscité en live le plus célèbre des dinosaures/dragons atomiques, c’était en 2016 avec Godzilla Résurgence. L’envie ne leur manquait certes pas de poursuivre sur leur lancée, mais le contrat qui liait la Toho au studio américain Legendary Pictures prévoyait d’abord de laisser la place aux variantes hollywoodiennes (en l’occurrence Godzilla II : Roi des monstres et Godzilla vs. Kong). Le créneau étant momentanément libre, un nouveau Godzilla japonais peut enfin revenir sur les écrans, confié cette fois-ci à Takashi Yamazaki, sur la foi de son drame guerrier The Great War of Archimedes sorti en 2019. Fasciné par la deuxième guerre mondiale (comme en témoignent plusieurs de ses films), Yamazaki écrit un scénario qui se situe au lendemain du conflit. « Le Japon de l’après-guerre a tout perdu », raconte-t-il. « Le film dépeint une existence qui suscite un désespoir sans précédent. Le titre Godzilla Minus One a été choisi dans cette optique. Pour illustrer cela, l’équipe et moi-même avons travaillé ensemble pour que lorsque surgit Godzilla, il donne l’impression que la peur elle-même marche vers nous. Je pense que ce film est l’aboutissement de tous les films que j’ai réalisés jusqu’à présent. » (1)

Le héros de Godzilla Minus One est Koichi (Ryunosuke Kamiki), un jeune pilote kamikaze destiné à perdre la vie au combat. Le sujet travaille visiblement le cinéaste, puisqu’il est aussi au cœur de Kamikaze : le dernier assaut sorti en 2013. Sauf que dans le cas présent, notre aviateur refuse d’assumer sa responsabilité, simulant une avarie technique pour éviter de mourir dans le crash de son appareil. Cette décision va désormais le hanter et former le nœud dramatique principal du scénario. De retour dans un Tokyo dévasté où tout est à reconstruire, il n’est plus qu’un étranger qu’on regarde avec suspicion. Comment un kamikaze peut-il rentrer sain et sauf de la guerre ? A-t-il vraiment accompli son devoir ? La culpabilité que traîne désormais Koichi se matérialise à l’écran sous la plus monstrueuse des formes. Car lorsque Godzilla jaillit des eaux pour semer la terreur et la destruction, c’est clairement une métaphore de la mauvaise conscience du héros qui prend corps. Et pour faire la paix avec lui-même, il va lui falloir affronter la bête, quitte à y laisser la vie pour de bon cette fois.

Les sacrifiés

Ce militaire en perdition, la jeune femme qu’il recueille à contrecœur dans un logement de fortune et le bébé qu’ils adoptent pour ne pas l’abandonner forment bientôt une famille dysfonctionnelle et déséquilibrée dont les tourments, au sein d’un Japon en miettes qui panse comme il peut ses blessures physiques et morales, sont palpables, crédibles, terriblement réalistes. Voir surgir Godzilla dans un tel contexte est d’autant plus surprenant. Car une fois n’est pas coutume, les personnages humains nous touchent tant que le film pourrait quasiment se passer de monstre et d’élément fantastique sans cesser pour autant d’intéresser ses spectateurs. Godzilla Minue One joue alors le grand écart entre l’intimisme et le gigantisme, trouvant le juste équilibre qui lui confère toute sa singularité et toute sa saveur. Le monstre lui-même n’a jamais été aussi terrifiant. Véritable machine à détruire, à rugir, à piétiner et à désintégrer (l’allumage progressif de ses plaques dorsales, prélude au redoutable « crachat thermique », provoque à chaque fois des frissons irrépressibles), il s’inscrit dans des séquences de suspense et d’action vertigineuses qui paient à la fois leur tribut au Godzilla original mais aussi aux Dents de la mer et à Godzilla, Mothra et King Ghidorah, l’un des opus préférés de Takashi Yamazaki. Godzilla Minus One célèbre donc avec panache le grand retour du titan radioactif, au moment où la Toho s’apprête justement à célébrer le 70ème anniversaire de sa naissance.

 

(1) Extrait d’un communiqué de presse publié en juillet 2023

 

© Gilles Penso


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