LES TÉMOINS DU MAL (2009)

Une maison isolée, un couple perturbé et son enfant, de vieux films angoissants, tels sont les ingrédients de cette histoire de fantômes espagnole…

NO-DO

 

2009 – ESPAGNE

 

Réalisé par Elio Quiroga

 

Avec Ana Torrent, Francisco Boira, Hector Colomé, Maria Alfonda Rosso, Miriam Cepa, Rocio Muñoz-Cobo, Francisco Casares

 

THEMA FANTÔMES

Francesca (Ana Torrent), une jeune pédiatre, souffre d’une dépression post-natale successive à son accouchement. Elle décide d’emménager avec son époux dans une grande demeure isolée afin d’élever leur enfant au calme et de tranquilliser son esprit. Or c’est exactement le contraire qui va se produire. Des événements surnaturels vont se succéder dans la maison, et Francesca va basculer dans le cauchemar en communiquant avec ce qui semble être des entités de l’au-delà… Depuis le début des années 2000, le cinéma fantastique espagnol s’est montré riche en œuvres d’exception mêlant avec harmonie la terreur, la poésie et la mélancolie, de L’Échine du diable à L’Orphelinat en passant par Fragile, Abandonnée, Le Labyrinthe de Pan, Esther et bien d’autres. Difficile, dans ces conditions, d’apporter une nouvelle pierre à un édifice aussi prestigieux. C’était à craindre, Elio Quiroga s’est un peu cassé les dents en foulant le terrain balisé de la ghost-story ibérique.

Son film, non exempt de qualités techniques et artistiques, échappe difficilement aux lieux communs et aux redites du genre, et manque surtout de la subtilité qui nimbaient les films de Guillermo del Toro, Nacho Cerda, Jaume Balaguero ou Juan Antonio Bayona. Il y a pourtant dans Les Témoins du mal une idée passionnante qui s’appuie sur des éléments historiques bien réels : les « no-dos » (abréviation de « noticiero documental »), ces films d’actualités espagnols réalisés sous le régime de Franco pour pouvoir contrôler l’opinion publique et orienter le sens des informations de l’époque. Mêlés à une histoire de revenants d’inspiration ouvertement lovecraftienne, ces vieux films achrome – reconstitués pour la plupart pour les besoins du film – dotent le long-métrage de Quiroga d’une atmosphère troublante et savent provoquer le malaise. D’autant qu’Ana Torrent (que l’on a découverte enfant dans L’Esprit de la ruche, et bien plus tard dans des films tels que Tesis, Vacas ou Deux sœurs pour un roi) donne beaucoup de sa personne.

Surréalisme macabre

Dommage que ces atouts multiples et ces idées originales n’empêchent Les Témoins du mal d’accumuler les clichés et de manquer souvent son objectif principal : faire peur. Quelques visions macabrement surréalistes scandent certes le récit, tels ces spectres enfantins diaphanes ou cette monstrueuse araignée constituée d’ex-voto assemblés en une entité infernale. « Pour les fantômes, nous avons eu l’idée d’une espèce de matériau flottant et presque transparent, comme du plasma », explique le réalisateur. « Mais nous avons décidé de ne pas trop montrer de choses, un peu comme dans les récits de Lovecraft, parce que moins vous montrez de choses aux spectateurs, plus leur imagination travaille. La créature finale, par exemple, est plongée dans l’obscurité afin de ne pas trop révéler sa morphologie » (1). C’est justement quand les effets numériques cèdent le pas à la mise en scène pure et au jeu épuré des acteurs que la frayeur parvient vraiment à se faufiler au fil de l’intrigue, comme lorsque cette puissance inconnue frappe inlassablement derrière une porte close, réminiscence d’une séquence mémorable de La Maison du diable de Robert Wise.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2010

 

© Gilles Penso


Partagez cet article