LE VILLAGE DES GÉANTS (1965)

Huit teenagers turbulents consomment un aliment expérimental qui les transforme en colosses de six mètres de haut…

VILLAGE OF THE GIANTS

 

1965 – USA

 

Réalisé par Bert I. Gordon

 

Avec Tommy Kirk, Johnny Crawford, Beau Bridges, Ron Howard, Joy Harmon, Robert Random, Tisha Sterling, Charla Doherty

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Bert I. Gordon est le roi du gigantisme. Obsédé par la disproportion (celle des reptiles dans Le Roi des dinosaures, des sauterelles dans Le Début de la fin, des araignées dans The Spider, des humains dans Le Cyclope, Le Fantastique homme colosse et Le Retour de l’homme colosse), ce cinéaste atypique porte bien ses initiales, qui lui valurent le surnom légitime de « Mister Big ». Au milieu des années 60, il s’attaque à une histoire d’Herbert George Wells, « La Nourriture des dieux », qu’il revisite de fond en comble pour l’adapter à ses goûts, aux mœurs des sixties et au jeune public massé dans les drive-in de l’époque. Paru en 1904, le roman de Wells raconte les conséquences alarmantes d’un aliment inventé par deux scientifiques qui modifie la courbe de croissance des êtres vivants et leur fait atteindre une taille phénoménale. Filmé en « Perceptovision » (un terme fantaisiste destiné à appâter le chaland), Le Village des géants met en scène un grand nombre de jeunes acteurs dont les parents sont déjà établis à Hollywood, comme Tisha Sterling (la fille de Rod Serling), Toni Basil (la fille de Louis Basil), Tim Rooney (le fils de Mickey Rooney) ou Beau Bridges (le fils de Lloyd Bridges). « Lorsque j’ai fait ce film, j’avais 18 ou 19 ans et j’ai pris tout cela très au sérieux », se souvient ce dernier. « J’étais persuadé que ce rôle allait me transformer en porte-parole de ma génération. Quand on revoit ça aujourd’hui, il faut avouer que c’est un peu embarrassant » (1).

Le scénario, dépourvu de la moindre demie-mesure, raconte l’aventure de huit teenagers turbulents et fêtards qui rencontrent dans la petite ville imaginaire de Hainesville, en Californie, un jeune garçon surnommé « Genius ». En jouant avec son kit de chimie dans son sous-sol, l’ado à lunettes crée accidentellement une substance qu’il nomme « Goo » (« gelée ») et qui, lorsqu’elle est consommée, fait grossir des animaux, dont un chien, un chat et deux canards, jusqu’à ce qu’ils atteignent une taille gigantesque. En découvrant cet incroyable phénomène, la bande des huit subtilise un échantillon du « Goo » et décide de l’avaler. L’effet ne tarde pas à se faire sentir : tous atteignent une taille de six mètres de haut et commencent à semer la panique dans la ville, bien décidés à en prendre le contrôle à faisant fi de toute autorité…

Poussée de croissance

Baigné en permanence dans l’ambiance rock’n roll qu’affectionne tant le cinéaste (comme dans The Spider), Le Village des géants enchaîne les séquences folles, comme un personnage escaladant la poitrine volumineuse d’une adolescente gigantesque ou des motocyclistes attrapant au lasso les jambes de l’un des teenagers colossaux. Les effets spéciaux utilisent les traditionnelles rétro-projections ainsi que des mains et des pieds géants à la sculpture très évasive. Malgré le joyeux grain de folie qui l’anime, le treizième long-métrage de Gordon est loin de s’avérer passionnant. On finit même par s’y ennuyer ferme, presque autant que les huit géants blasés par leur nouveau statut de quasi-dieux. Pour l’anecdote, on note que « Genius », le gamin à l’origine du gigantisme du film, est interprété par Ron Howard, future vedette de Happy Days et futur réalisateur de Willow donnant la vedette à… des nains ! Onze ans plus tard, Gordon se lancera dans une nouvelle adaptation de « La Nourriture des dieux » avec Soudain les monstres, une sorte de « prequel » se concentrant sur le gigantisme d’animaux divers provoqué par un produit que des enfants finissent par avaler à leur tour au cours du dénouement. Malgré son succès limité, Le Village des géants a fini par générer un certain culte. Un extrait de sa bande originale, composé par Jack Nitzsche, est même devenu le thème principal de Boulevard de la mort de Quentin Tarantino.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans AV Club en janvier 2014.

 

© Gilles Penso


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