

Un homme et une femme qui ne se connaissent pas entament un troublant jeu du chat et de la souris dans une maison isolée au milieu des bois…
THE CALLER
1987 – USA
Réalisé par Arthur Allan Seidelman
Avec Madolyn Smith Osborne et Malcolm McDowell
THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND
Le Visiteur détonne au sein de la filmographie de la compagnie Empire, plutôt portée sur les zombies (Re-Animator), les androïdes (Eliminators), les mutants (Transmutations), les extraterrestres (Zone Troopers) ou les petits monstres teigneux (Troll). S’il flirte ouvertement avec le fantastique, l’horreur et la science-fiction, Le Visiteur se distingue en adoptant les codes d’un huis clos à suspense, plus proche de l’adaptation d’une pièce d’Anthony Shaffer (Le Limier) ou d’Ira Levin (Piège mortel) que d’un film de genre pur et dur. Le dispositif est minimaliste : deux acteurs, un décor quasi unique et une tension qui repose majoritairement sur la psychologie. Le scénario est signé Michael Sloan, vétéran de la télévision américaine (Equalizer, Columbo, Galactica, Alfred Hitchcock présente), et porté à l’écran par Arthur Allan Seidelman, qui fit ses débuts avec le nanardesque Hercule à New York, tremplin hollywoodien d’un certain Arnold Schwarzenegger. Tourné pour un budget modeste de 4,5 millions de dollars, le film résulte d’une collaboration atypique entre Charles Band et Frank Yablans, alors président de Paramount Pictures. Le tournage se déroule dans les studios italiens autrefois détenus par Dino De Laurentiis, en parallèle de la comédie Bourse, bagne & business de Robert Boris. Malcolm McDowell, présent sur les deux plateaux, admet s’être livré à ce grand écart pour des raisons purement alimentaires, mais confie que Le Visiteur fut pour lui une expérience plutôt stimulante.


En pleine nuit, un homme mystérieux (McDowell) frappe à la porte d’une jeune femme (Madolyn Smith Osborne), recluse dans une cabane perdue au cœur de la forêt. Il prétend que sa voiture est tombée en panne et qu’il a besoin d’utiliser son téléphone. Mais dit-il la vérité ? Troublée par cette présence inattendue – alors qu’elle attend la visite de son petit ami et vient tout juste d’appeler sa fille – la jeune femme préfère d’abord le laisser patienter dehors, sur la terrasse. Puis, saisie d’un étrange revirement, elle l’invite finalement à rester à l’intérieur, comme si cette proximité la rassurait. Au fil de la conversation, l’inconnu semble en savoir plus qu’il ne veut bien le dire sur son hôtesse. Il semblerait même qu’il ne soit pas là par hasard, qu’il l’ait même épiée et suivie avant la soirée. Mais elle-même ne cache-t-elle pas son jeu ? Pourquoi l’homme qu’elle attend tarde-t-il tant à venir ? Que fait-elle toute seule dans cette maison isolée ? Où sa fille se trouve-t-elle ? Son récit, comme celui de l’homme s’étant imposé chez elle, semble bardé d’incohérences. Or plus le film avance, plus le mystère s’épaissit…
Animosité latente
Le scénario de Michael Sloan semble nourri de multiples références à Night Must Fall, une pièce d’Emlyn Williams de 1935 où le suspense psychologique s’installe dans un cadre restreint et pesant. Ici aussi, la tension repose sur les dialogues, les silences et les non-dits. Les rares incursions à l’extérieur (sur la route ou dans un sentier forestier) paraissent d’ailleurs greffées a posteriori, comme pour « aérer » artificiellement un huis clos qui se suffit à lui-même. La mise en scène de Seidelman, précise et discrète, soutient efficacement le duel d’acteurs. Malcolm McDowell et Madolyn Smith Osborne livrent là des performances solides, portées par un malaise palpable – peut-être nourri, ironie du sort, par leur mésentente réelle sur le plateau. Cette animosité latente contribue probablement à l’atmosphère trouble du film, où il devient impossible de distinguer clairement la proie du prédateur. Pourtant, si le mystère fascine d’abord, il finit par se retourner contre le film lui-même. À force d’entretenir l’ambiguïté, le récit perd en cohérence et la psychologie des personnages se délite dans une succession d’énigmes sans réponse. Le spectateur, d’abord captivé, finit par se détacher, avant qu’un final en rupture totale, plogeant fontalement dans le grand-guignol et la science-fiction, ne vienne pulvériser la sobriété initiale. Les maquillages outranciers de John Buechler parachèvent ce virage déroutant. Reste un exercice de style singulier, parfois maladroit mais toujours intrigant, porté par la musique atmosphérique de Richard Band. Destiné à une sortie en salles, Le Visiteur ne connaîtra qu’une carrière confidentielle : une projection au Marché du Film de Cannes et au MystiFest italien en 1987, avant de finir directement en cassette vidéo aux États-Unis puis dans le reste du monde.
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article



