CARNOSAUR (1993)

Plus opportuniste que jamais, Roger Corman anticipe le succès de Jurassic Park en produisant dans l'urgence son propre film de dinosaures

CARNOSAUR

1993 – USA

Réalisé par Adam Simon

Avec Diane Ladd, Raphael Sbarge, Jennifer Runyon, Clint Howard, Harrison Page, Ned Bellamy, Frank Novak, Ed Williams

THEMA DINOSAURES I SAGA CARNOSAUR

Roger Corman est un malin. Lorsqu’il entend parler du projet Jurassic Park, il remue ciel et terre pour produire à la vitesse grand V son propre film de dinosaure et se lance comme défi de sortir le sien avant celui de Spielberg, histoire de passer pour un visionnaire plutôt qu’un vulgaire plagieur (comme si sa réputation en la matière était encore à faire !). Ne poussant pas les recherches trop loin, il décide de mettre en scène les mêmes dinosaures carnivores que Jurassic Park (un tyrannosaurus rex et un proche cousin du vélociraptor, le deinonychus), utilise lui aussi un prétexte génétique pour expliquer leur naissance, et se pare d’une once de respectabilité en adaptant un roman (en l’occurrence un livre de John Brosnan se camouflant sous le pseudonyme d’Harry Adam Knight). Héroïne de Carnosaur, la scientifique Jane Tiptree décide d’arrêter les travaux à vocation militaire que lui commande le secteur privé. Persuadée que la race humaine est la pire chose qui soit jamais arrivée sur Terre, elle se met carrément en tête de l’anéantir. Sous couvert de recherches sur les poulets d’élevage, elle crée donc génétiquement une nouvelle race de dinosaures en injectant de l’ADN reptilienne dans des embryons de poulets. Le résultat est un duo de carnosaures redoutables qui sèment dès lors la panique dans une petite ville avoisinante.

Fort de ce scénario pour le moins aberrant, Carnosaur veut se donner un aspect high-tech en affichant des données (pourcentages, comptes à rebours, etc.) avant chaque scène. Ce parti pris systématique devient vite exaspérant, d’autant que les actions parallèles créent d’emblée une énorme confusion. Les dinosaures, accouchés comme dans Alien par des femmes contaminées, sont franchement pitoyables. A trop vouloir préparer et tourner son film dans l’urgence, Corman a rejeté l’animation image par image au profit de marionnettes mécaniques très caoutchouteuses et maladroitement animées, œuvre d’un John Buechler qu’on connut plus inspiré (Re-Animator, From Beyond). La vraie nouveauté du film est d’associer les dinosaures au gore, en particulier dans la scène où le deinonychus massacre les écologistes enchaînés aux bulldozers avec force gerbes de sang et mutilations en tout genre.

Dino-gore

Mais le gore est facile, et Buechler n’est pas un novice en la matière. En revanche, il s’avère bien plus difficile de faire peur ou de créer une action palpitante. Et dans ce domaine, le réalisateur Adam Simon échoue systématiquement. La scène finale du combat entre le tyrannosaure et la pelleteuse, empruntée à Dinosaurus et The Crater Lake Monster et surtout calquée sur le final d’Aliens, est découpée et montée avec tellement de confusion – probablement pour camoufler la maladresse des effets spéciaux – qu’elle tombe complètement à plat. Seul le dénouement réussit à surprendre. Enfin presque, parce que George Romero en avait inventé un similaire quinze ans auparavant dans La Nuit des Morts Vivants. Suffisamment rentable, Carnosaur connaîtra deux séquelles, respectivement réalisées par Louis Morneau et Jonathan Winfrey, tandis que les dinosaures eux-mêmes resserviront dans d’autres productions Corman.

© Gilles Penso

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