SORTILEGE (2011)

Une tentative de rajeunissement et de modernisation du motif de la Belle et la Bête dans un milieu lycéen

BEASTLY

2011 – GB

Réalisé par Daniel Barnz

Avec Alex Pettyfer, Vanessa Hudgens, Justin Bradley, Mary-Kate Olsen, Dakota Johnson, Erik Knudsen, Peter Krause

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Depuis sa mise en forme et sa popularisation par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en 1757, le mythe universel de « La Belle et la Bête » a été accommodé à toutes les sauces, de la sublime relecture concoctée par Jean Cocteau en 1946 jusqu’au dessin animé ultra-populaire des studios Disney en passant par les versions télévisées des années 70 et 80. Une adaptation post-moderne, adaptée aux adolescents du 21ème siècle, était inévitable. Le romancier Alex Flinn s’y colla en écrivant « Beastly », dont les droits furent acquis par CBS Films en 2007 en vue d’une adaptation cinématographique. Le prince transformé en monstre est donc devenu Kyle (Alex Pettyfer, héros d’Alex Rider et Numéro 4). Fils d’un présentateur vedette (Peter Krause, échappé de Six Feet Under), beau gosse populaire dans son lycée, gâté, ambitieux et vantard au-delà de toute mesure, le jeune homme attire immédiatement l’antipathie. Un jour, il a la mauvaise idée d’humilier publiquement Kendra (Mary-Kate Olsen), une fille gothique et marginale qui refuse de faire partie de sa cour. Or Kendra est une sorcière, et lui jette aussitôt un sort : la laideur intérieure de Kyle va contaminer son apparence physique. Condamné à se terrer telle une bête traquée, il échappera à sa malédiction si quelqu’un tombe amoureux de lui d’ici une année…

Les partis pris initiaux de Sortilège semblent pertinents, notamment un regard acerbe sur le culte de l’image cher aux teenagers et une évacuation du look lycanthropien classique de la Bête au profit d’une défiguration moins iconique. Hélas, un fossé se creuse entre les intentions et le résultat final, comme si le cinéaste Daniel Barnz n’avait pas su – ou n’avait pas voulu ? – échapper aux lieux communs du film pour ados romantico-fantastique, dont le mètre étalon semble être devenu la « saga » Twilight. La bande son se sature donc de morceaux pop-rock sirupeux (Lady Gaga entonne dès le générique un « Vanity » qui donne d’emblée le ton), la mise en scène joue volontiers la carte du vidéo clip et les jeunes protagonistes ne sont jamais filmés avec réalisme (nous sommes bien plus proches ici de la gravure de mode pour magazine que de l’adolescent américain réel).

Trop sage pour convaincre

Même l’excellent Tony Gardner, maquilleur spécial du Blob, de Darkman et de L’Armée des ténèbres, se casse un peu les dents sur le design de la « créature ». Plusieurs idées se cumulent sur l’altération du visage d’Alex Pettyfer (perte de pilosité, maladie de peau, scarifications, piercings, tatouages, végétation grimpante), mais le résultat à l’écran manque singulièrement de cohérence et surtout de « présence ». A ces réserves liées à la forme plastique du film s’ajoute une frustration d’ordre narratif. Car dès que Kyle se mue physiquement, son caractère semble s’adoucir sans souci de réelle progression dramatique. Comme en outre la jeune fille dont il s’éprend, incarnée par Vanessa Hudgens, ne semble guère rebutée par ses allures de zombie imberbe et végétal, l’issue de l’idylle ne laisse guère de doute, la carence de conflits et d’obstacles internes amenuisant singulièrement la dramaturgie de ce Sortilège finalement trop sage pour convaincre.

 

© Gilles Penso

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