LA NONNE (2018)

La saga Conjuring continue de se déployer dans tous les sens, explorant ici les recoins d’un couvent roumain hanté par un démon

THE NUN

 

2018 – USA

 

Réalisé par Corin Hardy

 

Avec Taissa Farmiga, Demián Bichir, Bonnie Aarons, Ingrid Bisu, Jonas Bloquet, Charlotte Hope, Sandra Teles, Jared Morgan, David Horovitch

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CONJURING

Après deux Conjuring et deux Annabelle, la mythologie démoniaque établie par James Wan et ses co-scénaristes continue de dérouler ses ramifications au sein d’une franchise protéiforme jouant sans cesse la carte des allers-retours temporels. Écrit par Wan et Gary Dauberman, ce cinquième volet s’intéresse au démon Valak, dont la présence très inquiétante sous forme d’un monstre en robe de religieuse procurait quelques frissons efficaces dans Conjuring 2. C’est un nouveau réalisateur qui se retrouve à la tête de La Nonne, en l’occurrence Corin Hardy dont Le Sanctuaire (The Hallow) avait agréablement surpris le public et la profession en 2015. Tourné quasi-intégralement en Roumanie, le film met en vedette Irène, une religieuse novice incarnée par Taissa Farmiga, la jeune sœur de la comédienne Vera Farmiga qui interprète justement Lorraine Warren dans le diptyque The Conjuring. La ressemblance physique entre les deux comédienne dote leurs personnages d’un indiscutable « air de famille », même si le scénario ne crée aucun lien particulier entre Irène et Lorraine.

La Nonne prend place en 1952, dans la vieille abbaye roumaine de Saint Carta. Terrifiée par la créature démoniaque qui sévit dans les lieux, une nonne commet un terrible péché en se suicidant. Cet acte a priori incompréhensible nous ramène au Frayeurs de Lucio Fulci, dans lequel la pendaison d’un prêtre ouvrait une des portes de l’Enfer. L’allusion est manifestement assumée, comme le prouve plus tard dans le métrage la séquence d’un enterré vivant qu’on libère à coups de pelle (la lame tranchante passe à quelques centimètres de son visage, exactement comme la pioche dans une scène très similaire du film de Lucio Fulci). Suite à la mort de la religieuse, une cellule de crise est organisée au Vatican. Le père Burke (Demián Bichir) est chargé d’enquêter sur place. Il est accompagné de sœur Irène, une postulante débauchée à Londres (Taissa Farmiga, donc), et du villageois qui a découvert le corps de la pendue (Jonas Bloquet). La visite des lieux va s’avérer particulièrement éprouvante. En plus des événements terrifiants qui ne tardent pas à se manifester dans l’abbaye, les protagonistes vont devoir affronter leurs propres démons. Burke est en effet hanté par la mort d’un enfant survenue après un exorcisme ayant mal tourné. Quant à Irène, elle n’a pas encore prononcé ses vœux et va donc devoir mettre à l’épreuve sa propre foi…

La salsa des démons

Après l’influence de Rosemary’s Baby (dans Annabelle) et des films de fantômes espagnols (dans Annabelle 2), ce troisième spin-off de la franchise Conjuring joue ouvertement ca carte du gothisme. Ces catacombes noyées de fumigènes, ce vieux cimetière illuminé par un clair de lune excessif, cette crypte emplie de toiles d’araignées semblent tous échappés d’un film de Roger Corman période Edgar Poe. La traversée du village en carriole jusqu’à la sinistre abbaye, les déambulations nocturnes de la jeune héroïne en chemise de nuit s’éclairant avec une lanterne nous ramènent quant à elles aux films de Terence Fisher et Mario Bava. Cette orientation stylistique est plutôt rafraîchissante, d’autant que cette fois-ci, contrairement à Annabelle 2, le contexte historique joue un rôle narratif. Les bombardements survenus pendant la guerre ont en effet ébranlé la protection mise en place pendant les Croisades pour empêcher le démon de surgir. Pour faire planer l’inquiétude, Corin Hardy sature sa bande son de chuchotements, de chœurs masculins très graves (qui répètent inlassablement le mot « nun ») et d’orchestrations oppressantes concoctées par le compositeur polonais Abel Korzeniowski (la série Penny Dreadful). Mais toutes ces belles intentions finissent par perdre de leur éclat face aux mécanismes d’épouvante répétitifs auxquels le film recourt pour effrayer ses spectateurs, notamment ces silhouettes encapuchonnées qui n’en finissent plus d’apparaître et de disparaître autour des personnages, ou ces mains griffues qui surgissent un peu partout. Déclinant le thème de l’entité maléfique sans véritable cohérence (visions, possessions, apparitions de démons/zombies), La Nonne se transforme bientôt en une espèce de « salsa du démon » confuse, finalement plus proche des films désordonnés de Lamberto Bava que des œuvres somptueuses de son père Mario.

 

© Gilles Penso

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