SORCERESS (1982)

Un sous-Conan produit par Roger Corman avec deux jumelles guerrières, un viking, un barbare et quelques créatures étranges…

SORCERESS

 

1982 – USA / MEXIQUE

 

Réalisé par Jack Hill

 

Avec Leigh Harris, Lynette Harris, Bob Nelson, David Millbern, Bruno Rey, Ana De Sade, Roberto Ballesteros, Douglas Sanders, Tony Stevens, Martin LaSalle

 

THEMA HEROIC FANTASY I ZOMBIES

Jack Hill est l’un des nombreux réalisateurs ayant participé à L’Halluciné, le film d’horreur qu’initia Roger Corman en 1963. Metteur en scène de plusieurs films de prisons de femmes (The Big Doll House, Big Bird Cage) et de blaxploitation (Coffy la panthère noire de Harlem, Foxy Brown), Hill est recontacté au début des années 80 par Corman qui, suite au succès de Conan le barbare, souhaite lancer en quatrième vitesse son propre film d’heroic fantasy. Le réalisateur voit là l’occasion de se lancer dans une production plus ambitieuse que ses films précédents, en s’appuyant sur la compagnie d’effets spéciaux New World Studios de Corman qui avait notamment conçu les effets visuels, les maquettes et les matte paintings de New York 1997. Mais Hill va aller de désillusion en désillusion. Le scénario, qu’il signe seul, est ensuite revu par Jim Wynorski qui sera le seul à en être crédité au générique. Les lieux de tournage ne cessent de changer. Après les Philippines, le Portugal et l’Italie, Roger Corman opte finalement pour le Mexique à quelques semaines du tournage, dans la mesure où un deal financier intéressant lui permet de mettre sur pied une coproduction américano-mexicaine. Pris au dépourvu, Jack Hill doit se débrouiller sans avoir pu effectuer les repérages nécessaires. Quant au budget promis, il brille par son absence. Il faut composer avec des moyens anémiques, une figuration réduite à sa plus simple expression et des effets spéciaux simplistes. Le film ne bénéficie même pas de musique originale, se contentant de recycler les morceaux écrits par James Horner pour Les Mercenaires de l’espace.

Sorceress se situe dans une époque bizarre à mi-chemin entre l’antiquité, l’Asie féodale, les mille et une nuits et le moyen-âge. Pour posséder les pouvoirs qui lui permettront de régner sur le monde, le sorcier maléfique Traigon (Roberto Ballesteros) doit sacrifier son premier enfant à la divinité Kalghara. Le problème, c’est que son épouse a accouché de deux jumelles et s’est enfuie dans les bois avec elles. Laquelle est l’aînée ? Refusant de le dire, leur mère succombe sous les blessures que lui inflige l’homme de main de son vil époux qu’elle parvient à poignarder avant de rendre son dernier souffle. Sauvés par un vieux sage roi des arts-martiaux (Martin LaSalle), les bébés sont confiés à un couple de paysans. Vingt ans plus tard, Traigon a ressuscité grâce à ses pouvoirs magiques et les jumelles sont devenues deux jolies jeunes filles, Mira et Mara (Leigh Harris et Lynette Harris), qui veulent se venger de leur maléfique géniteur. Elles seront aidées dans leur quête par un viking (Bruno Rey) et un barbare (Roberto Nelson)…

L’improbable bestiaire

Sachant qu’un bon film d’exploitation s’assortit presque toujours de violence et de nudité, Roger Corman et Jack Hill ne peuvent s’empêcher de céder à la tentation malgré la vocation « grand public » du film. Les sœurs Harris ne sont donc pas avares de leurs charmes et quelques giclées de sang éclaboussent l’écran. Mais Sorceress vaut surtout le détour pour son bestiaire exubérant : un satyre aux pattes de bouc qui joue de la flûte de pan et bêle comme une chèvre, un singe grimaçant qui convoite lubriquement l’une des deux jumelles (un acteur dans un costume grotesque en peluche), des guerriers zombies qui s’animent dans des catacombes enfumées, la sinistre divinité Kalghara (un visage féminin à moitié reptilien qui flotte dans le ciel nocturne) et enfin cette improbable créature qui mixe l’anatomie d’un lion avec celle d’une gargouille et vient sauver la situation en tirant des rayons laser avec ses yeux (il s’agit en réalité d’une marionnette figée et maladroitement surimpressionnée). Le créateur de cette ménagerie inventive est John Carl Buechler, futur maquilleur spécial de Re-Animator, From Beyond et la saga Ghoulies. Quelques séquences insolites ponctuent le métrage (l’une des sœurs s’éveille à la sexualité pendant que l’autre, à distance, vit les mêmes sensations qu’elle) mais les hautes ambitions de Sorceress se heurtent à son cruel manque de moyens. Déçu, Jack Hill refusera de signer le film (c’est le pseudonyme Brian Stuart qui est crédité à la réalisation), cessera toute collaboration avec Roger Corman et quittera le monde du cinéma. Corman, lui, a de la suite dans les idées. Il continuera donc de creuser le sillon « épée et sorcellerie », notamment avec le diptyque Deathstalker.

 

© Gilles Penso

 

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