L’HALLUCINÉ (1963)

Co-dirigé par cinq réalisateurs, ce film gothique confronte Boris Karloff et Jack Nicholson dans l’un de ses premiers rôles

THE TERROR

 

1963 – USA

 

Réalisé par Roger Corman, Jack Hill, Francis Ford Coppola, Monte Hellman et Jack Nicholson

 

Avec Boris Karloff, Jack Nicholson, Sandra Knight, Dick Miller, Dorothy Neumann, Jonathan Haze, Rick Dean

 

THEMA FANTÔMES

En tant que pur objet cinématographique, L’Halluciné n’a rien pour marquer durablement les mémoires et s’écarte peu des lieux communs du film de fantôme classique. Mais son casting insolite et les conditions épiques dans lesquels il fut réalisé le muèrent rapidement en curiosité, voire en objet de culte auprès de la communauté fantasticophile. En 1963, Roger Corman avait déjà réalisé six somptueuses adaptations d’Edgar Poe mettant la plupart du temps en vedette Vincent Price. Si L’Halluciné ne se réclame pas de l’auteur du « Chat noir », il a cependant été conçu dans un esprit très similaire des films précédents du cycle « Corman/Price/Poe ». Pour économiser de coûteux décors, Corman décida de réutiliser le château déjà présent dans Le Corbeau et de limiter le tournage à quatre jours seulement. Il se tint à son planning, réutilisant deux des acteurs du film précédent, Boris Karloff et Jack Nicholson, ce dernier tenant là son premier vrai grand rôle.

Mais la suite du tournage s’avéra chaotique, les scènes extérieures au château étant prises en charge tour à tour par un Francis Ford Coppola alors débutant mais également d’autres réalisateurs additionnels (Jack Hill, Monte Hellman et même Jack Nicholson !) et s’étalant finalement sur trois mois. Assez curieusement, L’Halluciné ne souffre pas outre mesure de ce jeu des chaises musicales, conservant une certaine unité artistique et narrative. Nicholson incarne le lieutenant André Duvalier, un soldat de l’armée napoléonienne séparé accidentellement de son régiment. Égaré sur une plage inconnue, il rencontre une mystérieuse jeune femme qui le guide sans un mot jusqu’à une mer tourbillonnante où elle semble se noyer. Cherchant à la sauver des flots, André est attaqué par un oiseau de proie et sombre dans l’inconscience. Il s’éveille dans la mansarde d’une vieille femme qui veut le convaincre que la jeune fille n’existe pas. Notre homme n’en croit rien et retrouve sa trace dans le château du Baron Van Leppe (Karloff).

« Les fantômes d’une gloire enfuie »

Dès que nous pénétrons dans l’enceinte de la vaste demeure, les adaptations d’Edgar Poe nous reviennent à l’esprit. Karloff, alors octogénaire, déclare à Nicholson : « vous avez devant vous les vestiges d’une illustre maison, des reliques, les fantômes d’une gloire enfuie ». Quelque part, nous ne pouvons-nous empêcher d’associer cette « gloire enfuie » aux œuvres précédentes de Corman, comme si L’Halluciné s’efforçait en vain de retrouver la flamboyance de La Chute de la maison Usher, La Chambre des tortures ou L’Empire de la terreur. Car malgré sa beauté formelle (les peintures sur verre du château en plan large et le décor du cimetière enfumé sont magnifiques) et quelques séquences choc (notamment l’attaque sanglante d’un homme par un rapace au-dessus d’une falaise), cette œuvre chorale peine à captiver totalement son public, souffrant d’une narration erratique et de très nombreuses incohérences. Corman redorera ensuite son blason avec d’autres splendeurs empruntées à Poe et Lovecraft, notamment La Malédiction d’Arkham et Le Masque de la Mort Rouge.

 

© Gilles Penso

 

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