DARK STAR (1974)

Le premier film de John Carpenter est un space opera burlesque qui suit la vie de quatre astronautes errant dans le cosmos…

DARK STAR

 

1974 – USA

 

Réalisé par John Carpenter

 

Avec Brian Narelle, Dan O’Bannon, Cal Kuniholm, Dre Pahich, Joe Saunders, Barbara Knapp, Miles Watkins, Nick Castle

 

THEMA SPACE OPERA I EXTRA-TERRESTRES I FUTUR  I SAGA JOHN CARPENTER

Dark Star est d’abord un projet d’étude que John Carpenter et son camarade Dan O’Bannon tournent en 16 mm entre 1970 et 1972, alors qu’ils écument les bancs de l’Université de Californie du Sud. Ce moyen-métrage de 40 minutes finit par prendre de l’ampleur grâce au distributeur canadien Jack Murphy puis au distributeur Jack H. Harris (Danger planétaire, Schlock) qui donne aux deux hommes les moyens de tourner des scènes additionnelles en 35 mm. Budgété à 60 000 dollars, Dark Star devient donc un long-métrage. Co-scénaristes du film, Carpenter et O’Bannon se répartissent à eux deux la majorité des postes clés. Le premier réalise, produit et compose la musique. Le second prend en charge le montage, les décors, les effets visuels et joue l’un des personnages principaux. Le récit se déroule au 22ème siècle, époque où l’humanité a commencé à coloniser l’espace. Le vaisseau éclaireur Dark Star est chargé de repérer et détruire les planètes instables qui pourraient menacer la future colonisation. Vingt ans après le début de leur mission, le vaisseau a vieilli et l’ancien commandant est mort. Restent à bord le lieutenant Doolittle (Brian Narelle), ancien surfeur reconverti dans le pilotage, ses deux membres d’équipage Pinback (Dan O’Bannon) et Boiler (Cal Kuniholm) et le vigie Talby (Dre Pahich)…

La vision de ces astronautes au look de hippies barbus, chevelus et débonnaires tranche avec l’imagerie habituelle des héros spatiaux américains sportifs et rasés de près. Le Bruce Dern de Silent Running (sorti sur les écrans en 1972) n’est pas loin. Entre deux missions menées de manière routinière (faire sauter des planètes indésirables, éviter une tempête d’astéroïdes), les quatre équipiers tuent le temps dans leur chambrée désordonnée aux murs tapissés de photos de pin-up : ils feuillètent des magazines, jouent aux cartes, font des ronds de fumée, mangent des repas lyophilisés, jouent du xylophone, s’entraînent au tir, écoutent de la musique… Il n’y a rien de glamour dans ce vaisseau futuriste, et c’est sans doute l’un des aspects les plus intéressants de Dark Star. Revers de la médaille, cette désacralisation de la conquête spatiale accuse des pertes de rythme imputables au rallongement du moyen-métrage initial à une durée de 83 minutes. La vie quotidienne banale de ces travailleurs spatiaux nous arrache quelques sourires mais n’est pas fondamentalement palpitante. Pour reprendre les termes de Dan O’Bannon : « ce qui aurait pu être le plus impressionnant des films d’étudiants est devenu le moins impressionnant des films professionnels » (1).

La folle histoire de l’espace

Dark Star sait cependant surprendre et distraire grâce à une poignée d’effets visuels bricolés avec les moyens du bord par une petite équipe débordant d’inventivité. Sous la supervision de l’homme à tout faire Dan O’Bannon, Ron Cobb (La Guerre des étoiles, Conan le barbare, Alien, Abyss) conçoit le design effilé du vaisseau spatial, Greg Jein (Rencontres du troisième type, Star Trek le film, Avatar) construit les maquettes et Bob Greenberg (La Folle histoire du monde) réalise tous les effets d’animation cartoonesques. On note aussi la présence de l’extra-terrestre le plus improbable du monde, une sorte de ballon de plage monté sur des pattes de palmipède qui joue à cache-cache avec Pinback, lequel se retrouve suspendu dans le vide accroché à un ascenseur facétieux (une scène très ambitieuse au regard des moyens limités du film). Quelques rebondissements invraisemblables surviennent en fin de métrage. Pour éviter que le vaisseau explose suite à un incident technique, Doolitle réveille en effet le corps cryogénisé de l’ancien commandant (à qui John Carpenter prête sa voix) puis fait une sortie en scaphandre pour aller discuter en tête à tête avec la bombe ! Film au casting 100% masculin (comme le sera The Thing), Dark Star passe inaperçu lors de sa sortie très limitée en salles. Mais le marché VHS lui donne un regain d’intérêt et le transforme en petit film culte. D’autant qu’entre temps, John Carpenter s’est fait un nom avec Halloween et Fog. Dan O’Bannon, lui, recyclera beaucoup d’idées de Dark Star pour écrire le scénario d’Alien. « Dan est un scénariste, producteur, directeur artistique et acteur très talentueux », explique John Carpenter. « Mais il a toujours souhaité être réalisateur, et il était très fâché contre moi à l’époque, car il aurait désiré partager les crédits pour la mise en scène de Dark Star. Il a donc voulu donner une espèce de réponse à Dark Star : ce fut Alien. Finalement, Alien est né d’une revanche. » (2)

 

(1) Extrait d’une interview de Dan O’Bannon dans le documentaire Let There Be Light : The Odyssey of Dark Star

(2) Propos recueillis par votre serviteur en février 1995

 

© Gilles Penso


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