AENIGMA (1987)

Une étudiante tombée dans le coma après une mauvaise blague possède l’esprit d’une jeune fille pour fomenter une terrible vengeance…

AENIGMA

 

1987 – ITALIE

 

Réalisé par Lucio Fulci

 

Avec Jared Martin, Lara Naizinski, Ulli Runthaler, Sophie d’Aulan, Cathy Wise, Jennifer Naud, Riccardo Acerbi, Mijlijana Zirojevic

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I INSECTES ET INVERTÉBRÉS

Grand amateur du Carrie de Brian de Palma, Lucio Fulci cherche un moyen de lui rendre hommage à travers l’histoire d’une adolescente humiliée par ses camarades qui se venge de manière surnaturelle. Pour autant, il n’est pas question pour lui de plagier le classique de Brian de Palma. Il s’adjoint donc les services du scénariste Giorgio Mariuzzo (qui fut son collaborateur sur L’Au-delà et La Maison près du cimetière) et co-écrit avec lui le script d’Aenigma. À l’arrivée, le scénario de ce film d’horreur paranormale mâtinée d’un brin d’érotisme évoque aussi Patrick de Richard Franklin, La Grande menace de Jack Gold et même Phenomena de Dario Argento. Malgré ce tissu de références et d’influences, Aenigma reste un film très singulier qui porte en chacune de ses séquences la patte bien reconnaissable d’un Fulci encore très inspiré, même si sa période faste est déjà derrière lui. Tourné en extérieurs naturels à Sarajevo, Aenigma démarre sur une séquence d’ouverture qui explique le trauma initial et plante les graines du drame à venir. Kathy (Mijlijana Zirojevic) est la risée de ses camarades du collège Saint-Mary de Boston. Il faut dire que sa timidité maladive, son physique un peu ingrat et ses origines sociales (elle est la fille de la femme de ménage sourde-muette de l’établissement) en font la victime idéale des quolibets.

Un soir, Kathy est victime d’une mauvaise blague au cours de laquelle un beau garçon fait semblant de la séduire. Comprenant qu’elle est tombée dans un traquenard, Kathy prend la fuite, poursuivie par les voitures de toutes les étudiantes hilares, et finit par se faire faucher par un véhicule qui passe à toute allure. La blague tourne donc mal et Kathy se retrouve dans le coma, surveillée de près par le docteur Robert Anderson (Jared Martin) qui formule peu d’espoir quant à son rétablissement. C’est alors que débarque dans le collège une toute nouvelle étudiante, la jolie Eva Gordon (Lara Naizinski). Visiblement très instable émotionnellement, la jeune fille alterne la pudeur, l’agressivité sexuelle, la prostration ou les accès de violence. Bientôt, les morts brutales et spectaculaires s’enchaînent dans le collège et aux alentours. Et chaque fois que le sang coule, l’activité cérébrale de Kathy devient intense. Car celle-ci a trouvé le moyen de posséder le corps d’Eva sans quitter son lit d’hôpital et de déclencher à distance un véritable carnage.

Poésie macabre

Pierre par pierre, Lucio Fulci bâtit l’édifice d’une œuvre insolite dans laquelle la poésie macabre s’immisce de toute part. Lorsque la voix intérieure de Kathy s’exclame « je ne veux pas mourir ! » alors que la caméra s’élève au-dessus de son corps dans le coma, l’esprit d’Edgar Allan Poe flotte dans les airs, tout comme les échos du film culte Je suis vivant ! d’Aldo Lado. Fulci prend en charge lui-même les effets spéciaux du film et constelle sa mise en scène de trouvailles étonnantes comme certaines maquettes de décors volontairement en marge avec le réalisme, des jump-cuts qui alternent la présence physique de Kathy ou Eva dans le même environnement ou encore du sang qui jaillit d’un tableau pour recouvrir le visage d’une future victime. Les scènes de meurtres se déconnectent elles aussi de toute logique pour basculer dans le surréalisme : l’homme agressé par son propre reflet, l’attaque d’une statue antique ou encore – le grand moment choc d’Aenigma – la fille nue recouverte d’escargots et de limaces qui l’étouffent lentement. L’effet répulsif est garanti (annonçant le Mutations de Juan Piquer Simon) et l’implication de la comédienne est impressionnante. Les fans du cinéma gore opératique de Fulci, époque L’Enfer des zombies, Frayeurs ou L’Au-delà, s’estimèrent déçus par Aenigma. Mais cette œuvre « de transition » mérite largement d’être réévaluée à la hausse.

 

© Gilles Penso


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