COURS, LOLA, COURS (1998)

Lola a vingt minutes pour trouver 100 000 marks, délai au-delà duquel son petit ami mourra. Mais le destin réserve bien des surprises…

LOLA RENNT / RUN LOLA RUN

 

1998 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Tom Tykwer

 

Avec Franka Potente, Moritz Bleibtreu, Herbert Knaup, Nina Petri, Armin Rohde, Joachim Krol, Ludger Pistor, Sebastian Schipper

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES

Sous ses apparats de thriller expérimental récréatif et ludique, Cours, Lola, cours fut un véritable électrochoc à la fin des années 90, secouant le cinéma international par son audace, son impertinence, sa folle énergie et surtout son exploration surprenante des caprices du destin. Tout est né d’une image simple : une femme aux cheveux rouge courant à perdre haleine dans les rues de Berlin. Obsédante, cette vision trotte dans la tête du cinéaste Tom Tykwer qui décide d’en tirer un film. Dès le générique, qui nous emmène dans la gueule d’une gargouille monstrueuse ornant une montre dont les aiguilles tournent à toute vitesse, nous savons que nous entrons dans les méandres d’une œuvre singulière aux confins du fantastique. La suite ne dément pas cette impression : un défilé surréaliste de silhouettes disparates, accompagné d’une voix off qui philosophe sur la nature humaine, jusqu’à ce que la caméra s’élève au-dessus de cette foule dont le grouillement se détache du vide pour révéler le titre du film. À peine a-t-on le temps de souffler que le générique nous embarque dans un dessin animé stylisé mené à 100 kilomètres/heure. Décidément, Cours, Lola, cours sort des sentiers battus.

Suite à une transaction liée à un trafic de drogue, Manni (Moritz Bleibtreu) doit remettre une grosse somme d’argent à un redoutable gangster. Sa petite amie Lola (Franka Potente), qui devait venir le chercher, s’est fait voler son scooter et n’a pas pu le retrouver à l’heure prévue. Pour éviter d’être en retard, Manni décide donc de prendre le métro. Mais il panique en voyant entrer des policiers dans la rame et prend la fuite en oubliant le sac en plastique contenant les 100 000 deutschemarks en liquide qui lui ont été confiés. Un clochard s’en empare aussitôt et prend la fuite. Désespéré, Manni appelle Lola qui a exactement vingt minutes pour le sortir de ce mauvais pas. Si elle ne trouve pas de solution, nul doute que son petit ami finira les pieds devant. Mais que faire ? Sans réfléchir, Lola sort de chez elle en courant dans l’espoir de trouver une idée lumineuse. Selon la décision qu’elle prendra, une voie différente s’ouvrira sur la route du destin…

Course contre la mort

Enivrant, le mécanisme narratif de Cours, Lola, cours n’est pas rappeler celui des boucles temporelles popularisées par Un jour sans fin, si ce n’est qu’ici ce sont les choix faits par le personnage principal qui réorientent à chaque fois le cours des événements, comme dans un « livre dont vous êtes le héros ». L’effet domino, qui apparaît en début de métrage sur un écran de télévision, symbolise parfaitement cette réflexion sur le destin et ses bifurcations. Car la moindre variation a des répercussions à grande échelle, y compris sur les simples « figurants ». Le futur de certains des passants que croise Lola nous est ainsi révélé en accéléré à travers une série de Polaroïds. Or selon la direction que prend le récit, ce futur change du tout au tout. On pense à certains films d’Alain Resnais, mais aussi au Hasard de Krzysztof Kieslowski. Incroyablement inventif, Tom Tykwer multiplie les artifices de mise en scène avec virtuosité : un montage millimétré, les prises de vues accélérées, les effets de volets, les flash-backs furtifs en noir et blanc, la pixillation, l’animation, les plans presque subliminaux, les split-screens, les jump-cuts… Malgré cette profusion d’effets de style, Cours, Lola, cours reste admirablement fluide et cohérent. Car c’est l’adrénaline qui nourrit chacun des plans du film, structuré sur une musique techno entêtante qui agit comme le tic-tac obsédant d’un chronomètre. Affranchie délibérément de tout réalisme (quand Lola hurle, le verre se brise comme dans un dessin animé), cette course contre la montre haletante rend plusieurs hommages discrets à Sueurs froides, l’un des films de chevet de Tom Tykwer. Cours, Lola, cours a marqué durablement son époque en laissant son empreinte sur plusieurs œuvres du début des années 2000, notamment la série Alias de J.J. Abrams.

 

© Gilles Penso


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