LE SADIQUE À LA TRONÇONNEUSE (1982)

Un tueur psychopathe tout de noir vêtu se promène dans une université avec sa tronçonneuse pour découper les jolies étudiantes en morceaux…

PIECES / MIL GRITOS TIENE LA NOCHE

 

1982 – ESPAGNE / USA

 

Réalisé par Juan Piquer Simon

 

Avec Christopher George, Lynda Day George, Frank Braña, Edmund Purdom, Ian Sera, Paul L. Smith, Jack Taylor, Gérard Tichy

 

THEMA TUEURS

Dès que l’occasion de surfer sur les grandes tendances cinématographiques du moment se présentent, le réalisateur espagnol Juan Piquer Simon ne se fait pas prier, avec une prédilection assumée pour le genre fantastique sous toutes ses formes. Le King Kong de John Guillermin et Le Sixième continent de Kevin Connor ravissent le grand public ? Il se fend d’un Continent fantastique joyeusement opportuniste. Superman ravage tout au box-office ? Qu’à cela ne tienne, place à Supersonic Man ! Fatalement, l’ami Juan ne pouvait pas rester insensible à la vogue croissante du slasher déclenchée par Halloween et Vendredi 13. Il délaisse donc la cible familiale pour un public très averti et signe un film d’horreur déviant et sanglant connu sous de multiples appellations. Le titre espagnol, Mil gritos tiene la noche, est le plus poétique (« La nuit aux mille hurlements »). Celui utilisé à l’international joue la carte de l’efficacité : Pieces (autrement dit « morceaux »). En France, on n’y va pas par quatre chemins et on annonce clairement la couleur : Le Sadique à la tronçonneuse ! Écrit par le cinéaste américain Dick Randall (Le Château de l’horreur) et le producteur italien Roberto Loyola (Laisse aller… c’est une valse), le scénario original est trop court pour tenir sur la durée d’un long-métrage. Juan Piquer rallonge donc un peu la sauce en tenant compte des contraintes budgétaires. Tourné en Espagne – bien que l’intrigue se situe à Boston -, Le Sadique à la tronçonneuse est bouclé en quatre semaines, quelques jours supplémentaires étant nécessaires pour filmer les nombreux effets spéciaux gore.

Nous sommes à Boston en 1942. Dans sa chambre, un petit garçon s’applique à finir un puzzle, tandis que sa mère le regarde l’air attendri. Mais cette dernière change brusquement d’expression en découvrant que le puzzle représente une femme nue. Tandis qu’elle pique une violente crise de colère, faisant subitement basculer cette scène paisible dans l’hystérie, le garçon s’empare d’une hache et la massacre. Puis il la découpe joyeusement avec une scie ! La police, qui pense que l’assassin s’est échappé, place le petit Timmy chez sa tante. Quarante ans plus tard, le garçon n’a pas perdu son goût pour les puzzles féminins. Il sévit donc sur un campus universitaire où son passe-temps favori est l’équarrissage d’étudiantes à l’aide d’une tronçonneuse. Affublé de gants noirs, d’un costume sombre et d’un chapeau à larges bord qui évoquent à la fois le tueur de Six femmes pour l’assassin et le héros de la bande dessinée « The Shadow », le psychopathe défie la police…

Puzzles féminins

Le Sadique à la tronçonneuse s’inspire en partie des giallos italiens, dont il emprunte l’idée de meurtres esthétisés commis par un tueur en noir (l’attaque au couteau dans le waterbed), mais son imagerie est surtout empruntée aux slashers, référence assumée par la présence d’un poster de Vendredi 13 dans l’un des décors. Au-delà de l’influence évidente de Massacre à la tronçonneuse, les ombres de Psychose et de Maniac planent aussi sur le film, dans la mesure où notre désaxé découpe ses victimes féminines dans le but de reconstituer pièce par pièce le corps de sa mère, comme s’il s’agissait d’un puzzle géant ! Le mystère entretenu autour de l’identité du tueur se resserre rapidement autour de trois suspects, mais l’intrigue policière est sans doute l’aspect le moins intéressant du film. D’abord parce que l’enquête est menée sans conviction par un inspecteur qui semble occupé ailleurs (jusqu’à demander à un étudiant et à une joueuse de tennis de lui prêter main forte !), ensuite parce que les incohérences du scénario s’enchaînent sans le moindre scrupule. D’ailleurs, comment un type habillé comme un justicier de comic book des années 40 et armé d’une tronçonneuse peut-il se promener dans les locaux de la fac sans jamais attirer l’attention ? Sans compter les séquences qui semblent ajoutées artificiellement au film sans aucune justification : la fille sur le skateboard qui heurte une vitre, ou le professeur d’arts martiaux qui surgit au milieu de la nuit pour se battre contre l’héroïne puis s’enfuit tranquillement (il s’agit en fait de Bruce Le, imitateur de Bruce Lee qui tourne à l’époque un film pour le producteur Dick Randall et qui vient donc faire une apparition éclair absurde dans Le sadique à la tronçonneuse). Le film est surtout mémorable pour ses effets gore, obtenus la plupart du temps avec de vrais abats d’animaux et des matériaux récupérés directement dans une boucherie ! Juan Piquer poursuivra dans cette voie avec un Mutations plutôt gratiné.

 

© Gilles Penso


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