MERIDIAN (1990)

Charles Band réinvente la Belle et la Bête avec l’une des stars de Twin Peaks et un costume de monstre « emprunté » à Francis Ford Coppola…

MERIDIAN: KISS OF THE BEAST / THE RAVAGING

 

1990 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Sherilyn Fenn, Malcolm Jamieson, Hilary Mason, Charlie Spradling, Alex Daniels, Phil Fondacaro, Vernon Dobtcheff, Isabella Celani

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Meridian est un projet que Charles Band prépare depuis le lancement de sa compagnie Full Moon. C’est l’occasion pour lui de repasser derrière la caméra, deux ans après Future Cop, de profiter de son propre château italien pour bénéficier d’un décor gothique sur-mesure (expérience qu’il vient de tenter avec bonheur à l’occasion du Puits et le pendule de Stuart Gordon) et de s’essayer à un style un peu différent. « Ce n’était pas le menu typique des productions Full Moon », raconte-t-il. « Bien sûr, il y avait des monstres, de la magie et des seins nus. Mais Meridian était une romance gothique. Les romans de la collection Harlequin marchaient très fort à l’époque, et certains d’entre eux possédaient des éléments surnaturels. Pourquoi ne pas se positionner sur ce marché ? » (1) Le cahier des charges est très clair, et il sera suivi à la lettre. En plus de son château, Band installe sa caméra dans le « Parc des Monstres », un jardin bizarre, surréaliste et extrêmement photogénique situé dans les alentours de la ville de Bomarzo où des artistes du seizième siècle édifièrent d’immenses sculptures représentant des personnages, des animaux et des créatures fantastiques. C’est ce qui permet au film de démarrer sur l’image saisissante d’une sarabande de personnages pittoresques émergeant au ralenti d’une statue en forme de gargouille à la gueule grande ouverte d’où émerge une lueur surnaturelle, au beau milieu d’une forêt nocturne.

Sur le point de devenir une star grâce à la série Twin Peaks, Sherilyn Fenn tient le premier rôle de Meridian. Elle incarne Catherine Bomarzini, une italo-américaine qui vient prendre possession du château familial après la mort de son père. Lorsque sa meilleure amie Gina (Hilary Mason) la rejoint, toutes deux décident de s’encanailler un peu en visitant un carnaval local dont le beau magicien Lawrence (Malcolm Jamieson) ne les laisse pas insensible. Les jeunes femmes invitent toute la troupe au château pour le dîner, mais elles finissent par perdre le contrôle de la situation. Lawrence drogue en effet Catherine et Gina pour pouvoir abuser d’elles. La longue séquence qui suit nous laisse perplexes. L’imagerie des téléfilms érotiques soft est convoquée, avec son lot de ralentis, de filtres, de regards énamourés et de soupirs, le tout aux accents langoureux d’une musique au synthétiseur. Pour peu, on se laisserait gagner par le jeu de la séduction. Pourtant, il s’agit clairement d’un double viol orchestré par Lawrence et sa bande ! Malgré les râles de désir des filles (visiblement dans un état second) et les accords suaves du compositeur Pino Donaggio, nous ne sommes pas dupes. Pas certains de comprendre sur quel terrain Band cherche à nous transporter, nous assistons alors à la transformation subite du magicien en gros monstre velu. Nous voici donc en présence d’une relecture déviante et topless de La Belle et la Bête.

Les nuits fauves

Visiblement pas très à l’aise avec le sentimentalisme de la collection Harlequin qui lui sert de référence, le producteur/réalisateur brosse ainsi une histoire romantico-bizarre qui manque singulièrement de finesse et peine à nous convaincre. Quelques idées éparses – le fantôme d’une jeune femme qui hante le château, un jumeau maléfique, une peinture secrète cachée sous la couche d’une autre peinture, une malédiction ancestrale – tentent de s’imbriquer les unes aux autres, face au joli regard un peu lointain de Sherilyn Fenn, qui semble ne pas totalement comprendre ce qu’on attend d’elle (elle pleure et crie plus que de raison, mais paraît la plupart du temps un peu absente). Une fois n’est pas coutume, Charles Band ne sollicite pas John Buechler pour sa créature mais Greg Cannom. Habitué aux séries B (Terreur extra-terrestre, L’Épée sauvage), ce grand expert des maquillages spéciaux est en train d’entrer dans la cour des grands en signant les effets du Dracula de Francis Ford Coppola. Mais il n’a pas oublié le sens de la débrouille de ses origines et propose donc à Band une solution à bas prix pour son fauve amoureux : recycler le costume de loup-garou qu’il vient de créer pour Coppola (et qui n’est plus sollicité pour le tournage), le modifier légèrement, changer sa couleur, et le tour est joué ! La supercherie ne sera révélée que bien plus tard, sans que personne ne semble s’en être offusqué.

 

(1) Extrait de l’autobiographie de Charles Band « Confessions of a Puppet Master » (2022).

 

© Gilles Penso


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