ANGOISSE (1987)

Un film d’horreur vertigineux dans lequel plusieurs assassins sévissent dans plusieurs salles de cinéma en un cauchemardesque jeu de poupées russes…

ANGUSTIA

 

1987 – ESPAGNE

 

Réalisé par Bigas Luna

 

Avec Zelda Rubinstein, Michael Lerner, Talia Paul, Angel Jove, Clara Pastor, Isabel Garcia Lorca, Nat Baker, Edward Ledden, Gustavo Gili, Antonio Regueiro

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I TUEURS

« Pendant le film que vous allez voir, vous serez soumis à des messages subliminaux et à une légère hypnose. Cela ne vous causera aucun dommage physique ou effet durable, mais si, pour une raison quelconque, vous perdez le contrôle ou sentez que votre esprit quitte votre corps, quittez la salle immédiatement. » Ce texte, qui s’affiche au tout début d’Angoisse, donne d’emblée le ton : nous nous apprêtons à visionner un film atypique, proche de l’expérience interactive. Pour enfoncer le clou, un narrateur entre alors dans le champ pour nous conseiller vivement de faire attention à notre environnement une fois que le film a commencé et surtout d’éviter d’engager la conversation avec des individus inconnus pendant toute la durée du film. En quelques minutes, Bigas Luna plonge ainsi ses spectateurs dans une atmosphère étrange. Cet ancien décorateur d’intérieur et artiste conceptuel se reconvertit dans le cinéma à la fin des années 70, enchaînant les œuvres singulières dans lesquelles l’érotisme occupe souvent une place centrale. Après Bilbao, Tatouage, Caniche, Reborn et Lola, le réalisateur catalan décide de détourner les codes du cinéma d’horreur avec Angoisse.

Dominé par une mère très inquiétante qui le pousse à tuer pour récupérer des yeux, un assistant-ophtalmologue à la mine patibulaire et au regard myope va commettre un carnage dans une salle de cinéma, assassinant les gens sans scrupule pour les énucléer. Il nous semble donc être plongés dans une série B horrifique bizarre et malsaine émaillée de visages familiers. La mère dominatrice est en effet incarnée par Zelda Rubinstein, la fameuse médium de Poltergeist (le rôle était initialement prévu pour Bette Davis), et le fils assassin par Michael Lerner, l’un des interprètes principaux du Facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson. Soudain, le second degré saute aux yeux du spectateur : cette histoire de vol de globes oculaires n’est qu’un film d’épouvante projeté dans une salle de cinéma. Fort de ce recul, le public découvre donc les vrais héros du film, à savoir des spectateurs, comme lui. Mais les choses se compliquent lorsqu’un véritable assassin s’introduit dans la salle de cinéma et tue quelques-uns des spectateurs avec un revolver…

Le film dans le film… dans le film

Le jeu de la mise en abyme fonctionne à merveille pour les spectateurs (les vrais !) qui se surprennent bientôt à regarder autour d’eux dans la salle… On ne sait jamais ! D’autant que Bigas Luna, malin, se sert du Dolby Stereo pour répartir les effets de la bande son dans la salle. Mais le réalisateur va encore plus loin lorsque l’assassin patibulaire (celui du film dans le film) entre à son tour dans une salle de cinéma (où l’on projette Le Monde perdu de Harry O’Hoyt) à la recherche de nouvelles victimes ! Le plus insolite provient alors de ces plans larges dans lesquels s’enfilent en perspective les écrans et les spectateurs. L’intérêt majeur d’Angoisse réside dans cette idée vertigineuse, laquelle, à vrai dire, a été recyclée à partir de quelques films d’épouvante antérieurs (on se souvient par exemple du Blob qui attaquait une salle de cinéma dans Danger planétaire). Mais le visionnage de cette œuvre expérimentale vaut largement le détour, à condition, bien sûr, d’aller voir ce film au cinéma ! Angoisse sera fort remarqué au cours du festival du cinéma fantastique d’Avoriaz, en 1988, où il se verra décerner un prix spécial pour sa photographie. Il remportera également le Goya des meilleurs effets spéciaux et le grand prix du BIFFF.

 

© Gilles Penso


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