

Cet ambitieux film de monstre sud-coréen sabote son concept prometteur à cause de ses effets spéciaux catastrophiques…
YONGGARY / REPTILIAN
1999 – CORÉE DU SUD
Réalisé par Hyung-rae Shim
Avec Dan Cashman, Bruce Cornwell, Donna Philipson, Dennis Howard, Matt Landers, Harrison Young, Richard Livingston, Eric Briant Wells, Brad Sergi
THEMA DINOSAURES I EXTRA-TERRESTRES
Connu dans son pays pour ses comédies burlesques et ses pastiches, le cinéaste sud-coréen Shim Hyung-Rae nourrit, à la fin des années 90, l’ambition de s’imposer sur la scène internationale avec son propre film de monstres géants. Le succès planétaire du Godzilla de Roland Emmerich – parallèlement à la relance des sagas Gojira et Gamera au Japon – lui donne l’idée d’offrir à la Corée son propre Kaiju. C’est ainsi qu’il exhume Yonggary, un monstre né en 1967 sous la direction de Kim Ki-duk (homonyme du réalisateur de L’Île et Locataires). Mais à vrai dire, le Yonggary de 1999 n’a rien à voir avec le Yongary, monstre des abysses de Ki-duk, si ce n’est une volonté partagée de rivaliser avec les mastodontes nippons. Pour donner corps à sa vision, Shim Hyung-Rae voit les choses en grand : un budget record (le plus gros de l’histoire du cinéma sud-coréen à l’époque), un casting international et des effets spéciaux de pointe. Les rôles principaux sont attribués à des comédiens américains et britanniques, tandis que les figurants sont recrutés sur place, souvent parmi des expatriés n’ayant jamais mis les pieds sur un plateau. L’anglais n’étant pas le fort du réalisateur, un interprète fait le lien entre lui et son équipe hétéroclite, dans un joyeux chaos de plateaux. Au-delà de l’influence directe de Godzilla, ce Yonggary cligne aussi directement de l’œil vers Independence Day et X-Files, toujours dans l’espoir de conquérir le marché international.


Au moment du prologue, un groupe de scientifiques s’aventure dans une vaste caverne jonchée de squelettes d’animaux préhistoriques. En tentant de dégager un corps humanoïde fossilisé qui émet d’étranges lueurs, ils déclenchent une gigantesque explosion. Seul rescapé de l’équipe, le professeur Campbell (Richard Livingston) survit, découvre une série de hiéroglyphes et éclate dans un rire dément en criant : « C’est à moi ! » Très vite, une nouvelle équipe débarque sur les lieux pour exhumer un spécimen colossal que Campbell estime cinquante fois plus grand qu’un T-Rex. Le journaliste Bud Black (Brad Sergi) arrive sur place pour couvrir ce qui s’annonce comme une découverte historique. Mais pendant ce temps, un immense vaisseau spatial pénètre dans l’atmosphère terrestre et pulvérise les satellites en orbite. Les extra-terrestres, aux allures de gargouilles en caoutchouc, parlent entre eux avec des voix de chipmunks et échangent des dialogues enfantins du genre « ils nous ont repérés », « nous devons commencer l’invasion maintenant », « d’ici peu la Terre sera vaincue ». Le site archéologique est alors réduit en cendres par une attaque à distance. Et soudain, le squelette géant se recouvre de chair (via un morphing assez hideux) et le redoutable Yonggary, vieux de 200 millions d’années, revient à la vie…
« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! »
Absurde, le concept de Yonggary est digne de celui d’un Kaiju enfantin des années 70. Si les scènes spatiales fonctionnent plutôt bien, le monstre, en revanche, est une création en image de synthèse particulièrement hideuse, une espèce de Godzilla numérique aux traits simiesques qui crache du feu et saute comme une grenouille. Le film aurait sans doute mieux fonctionné avec des acteurs costumés et des effets pratiques. Mais en misant sur le tout digital, Hyung-rae Shim affuble son long-métrage de trucages tous plus affreux les uns que les autres, du combat contre les hélicoptères à l’attaque de la ville (calquée très maladroitement sur celle du Monstre des temps perdus), en passant par l’assaut des avions, le commando volant en jet-pack ou la castagne finale contre un second monstre tout aussi raté (une espèce de dinosaure scorpion apathique). Les acteurs en roue libre, la disparition en cours de route de personnages jugés inutiles (le photographe) et les dialogues stupides (« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! ») n’arrangent rien. Les aliens, eux, s’amusent tout au long du film à dématérialiser puis rematérialiser Yonggary, pour une raison qui nous échappe. De toutes façons, le scénario n’a aucun sens, mêlant dans le désordre le plus total la prophétie ancestrale, les vestiges préhistoriques et l’invasion extra-terrestre. Certes, Yonggary reste supérieur aux calamiteux Kraa ! ou Zarkorr ! produits à peu près au même moment par Charles Band, ce qui ne l’empêche pas pour autant de s’affirmer comme un nanar de compétition. Le film sera d’ailleurs un flop monumental, y compris lors de sa ressortie sous un autre titre (Reptilian). La suite envisagée, avec un Yonggary robotique façon Mechagodzilla, ne verra donc jamais le jour.
© Gilles Penso
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