EFFROI (1981)

Dans ce petit film d’horreur fait de bric et de broc, Lucifer se réincarne dans le corps d’un lycéen et réveille une armée de zombies…

FEAR NO EVIL

1981 – USA

Réalisé par Frank LaLoggia

Avec Stefan Arngrim, Elizabeth Hoffman, Kathleen Rowe McAllen, Frank Birney, Daniel Eden, John Holland, Barry Cooper, Alice Sachs, Paul Haber, Roslyn Gugino

THEMA DIABLE ET DÉMONS I ZOMBIES

En découvrant le château de Boldt sur l’île de Heart, le long de la frontière nord de l’État de New York, l’homme d’affaires et promoteur immobilier Charles LaLoggia se laisse séduire par son architecture romano-gothique et imagine immédiatement la possibilité d’y tourner un film d’horreur. Il propose alors à son cousin Frank LaLoggia d’écrire un scénario autour de ce lieu. Si ce dernier n’a encore réalisé aucun long-métrage, il gravite dans le monde du cinéma depuis le milieu des années 70, en dirigeant des films courts et en jouant des petits rôles face à la caméra ici et là. Tourné sous le titre provisoire Mark of the Beast (« la marque de la Bête ») puis retitré Fear No Evil (« Ne crains pas le mal »), ce récit d’épouvante centré sur l’avènement de l’antéchrist marque donc ses premiers pas à la tête d’un film en tant que metteur en scène, ainsi que ceux de son cousin en tant que producteur. Ce dernier parvient à réunir un million et demie de dollars de budget, une somme loin d’être mirobolante mais très acceptable pour une petite production indépendante filmée à New York. Entravé tour à tour par des conditions météorologiques désastreuses (l’automne 1979 étant particulièrement rude), des contraintes de temps et la désorganisation générale inhérente aux premiers films conçus dans des conditions précaires, le tournage n’est pas une partie de plaisir.

Le scénario d’Effroi semble avoir été partiellement écrit sous l’influence de La Malédiction, conformément à l’éducation religieuse de Frank LaLoggia, élevé dans une famille catholique stricte d’origine italienne. C’est d’ailleurs un prêtre, le père Damon, qui ouvre le bal. Autoproclamé combattant du Mal avec un grand M, il affronte un homme à l’extérieur d’une bâtisse médiévale (le fameux château de Boldt qui motiva la mise en chantier du film) et parvient à le terrasser. Mais avant de mourir, son adversaire, qui prétend être Lucifer en personne, promet de revenir. Des décennies plus tard naît Andrew Williams qui, en grandissant, devient un adolescent solitaire et taciturne. Après que sa mère ait été paralysée dans des circonstances mystérieuses – qu’il semble avoir provoquées à distance -, Andrew commence à éveiller les soupçons de son propre père, conscient que quelque chose ne tourne décidément pas rond chez ce teenager bizarre. En dernière année de lycée, Andrew est en effet un élève brillant mais très renfermé, qui se sent étrangement attiré par le château où, jadis, le père Damon vainquit le diable. Or le lieu doit être détruit pour se transformer en terrain de golf. « Sacrilège ! » s’écrie Andrew en visitant l’endroit. Peu à peu, ses origines diaboliques émergent…

« Mon fils est le diable ! »

Après une mise en bouche qui n’y va pas avec le dos de la cuiller (le fameux affrontement contre un Lucifer aux allures de rocker des années 60, longues rouflaquettes et banane gominée à l’appui), Effroi prend la tournure d’un film de lycée, avec tous les clichés et stéréotypes du genre. Plusieurs scènes absurdes (dans les douches, pendant un cours de sport) semblent vouloir donner au récit les allures d’une sorte de variante masculine de Carrie, tandis que la bande son se sature de chansons pop, rock, punk et new wave. Le plus gros du budget semble y être passé, dans la mesure où les tubes de Patti Smith, The Ramones, Taking Heads, B-52 ou les Sex Pistols s’y enchaînent généreusement. Lorsqu’Andrew révèle ouvertement ses penchants maléfiques, plus aucune retenue n’est de mise. Le jeune homme se met alors à boire le sang d’un chien en gémissant, pendant que son père se saoule dans un bar en hurlant « mon fils est le diable ! », le tout interprété sans la moindre finesse. Puis soudain, notre antéchrist réveille une armée de zombies qui surgissent des décombres d’une chapelle en ruines et se mettent à attaquer la population. Cette scène parfaitement gratuite est imposée par Charles LaLoggia, arguant face à son cousin déconfit que les morts-vivants font recette grâce à George Romero et Lucio Fulci. Plus le film avance vers son climax, plus la folie semble le gagner, jusqu’à cette scène où deux anges réincarnés en femmes luttent contre Lucifer avec une grande croix qui envoie des rayons laser, ou encore cette métamorphose finale grandiloquente qui alimente la plupart des posters du film. Effroi est donc loin d’être un film d’horreur incontournable, mais il possède suffisamment de singularités pour séduire les amateurs du genre. Pour l’anecdote, Joel Coen, pas encore réalisateur aux côtés de son frère Ethan, fut l’assistant monteur du film.

 

© Gilles Penso

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