

Un prince à la force surhumaine décide de renverser la tyrannie d’une dictatrice en affrontant son fils monstrueux, avide de sacrifices humains…
ERCOLE CONTRO MOLOCH
1963 – ITALIE / FRANCE
Réalisé par Giorgio Ferroni
Avec Gordon Scott, Rosalba Neri, Alessandra Panaro, Jany Clair, Michel Lemoine, Arturo Dominici, Nerio Bernardi, Nello Pazzafini, Gaetano Scala, Geneviève Grad
THEMA MYTHOLOGIE
Quand Les Travaux d’Hercule de Pietro Francisci débarque en 1959, porté par un Steve Reeves sculptural, il déclenche une véritable déferlante dans les salles obscures du monde entier. Ce succès planétaire propulse le péplum italien – cocktail flamboyant de mythologie, de testostérone et de décors en carton-pâte – au sommet du box-office. Pendant quelques années, Rome devient l’épicentre d’un genre aussi musclé qu’exubérant, à la croisée de l’épique et du kitsch. C’est dans cette ambiance survoltée que Giorgio Ferroni, artisan chevronné du cinéma populaire transalpin, se lance dans Hercule contre Moloch. Déjà passé par le néo-réalisme et les fresques antiques, Ferroni suit la trajectoire caméléon typique des cinéastes italiens de l’époque. Mais ici, son Hercule n’en est pas vraiment un : point de demi-dieu grec à l’horizon, mais un prince doté d’une force hors du commun, qui endosse l’identité du héros légendaire pour mieux dissimuler la sienne. George Scott, qui incarne ce faux Hercule, est alors un visage familier du genre. Cinq fois Tarzan à l’écran, il a également endossé le rôle-titre dans Maciste contre le fantôme. Le film flirte tout de même avec le fantastique grâce au personnage de Moloch, une créature monstrueuse et sanguinaire, dont le nom évoque un démon biblique amateur de sacrifices humains.


Le film s’ouvre sur un grand incendie qui ravage la cité de Mycène et l’effondrement spectaculaire de la statue du sanguinaire dieu Moloch. Pour respecter la volonté du roi, qui a laissé la vie dans le cataclysme, les survivants se lancent dans un exode à la recherche d’une terre plus accueillante. Le peuple finit par rebâtir la nouvelle Mycène, et Demeter (Rosalba Neri), l’épouse du souverain défunt, donne naissance à un enfant qui – selon la prophétie – est la réincarnation de Moloch. La cité devient rapidement l’une des plus puissantes de la région, et toutes les provinces environnantes sont contraintes d’offrir des tributs en argent et en otages à Moloch, redoutant sa colère. Les villes qui tentent de se rebeller contre ce régime sont détruites. Hideux, Moloch dissimule son visage sous un masque de chacal et fait souffrir – avant de les assassiner – les jeunes filles de la cité qui lui sont sacrifiées. Car il est allergique à la beauté, qui lui rappelle sa propre monstruosité. Glaucos (Gordon Scott), prince de Tyrinthe, décide un jour de mettre fin à cette violence et d’affronter Moloch. « Moloch est le symbole d’un régime cruel, ce n’est pas un dieu ! », s’écrie-t-il. Notre homme se fait donc passer pour un simple paysan et entre au service de la reine tyrannique, sous le nom d’Hercule…
Moi, Moloch et méchant
Ici, le spectacle visuel règne en maître : très grosse figuration en costume, centaines de chevaux, décors grandioses, cascades, combats et effets spéciaux ambitieux. Pour économiser sur le budget tout en s’offrant le scope d’une superproduction, Giorgio Ferroni emprunte la plupart des scènes militaires à La Guerre de Troie, son film précédent. Si l’emploi des maquettes est facilement repérable – la cité incendiée trahissant notamment ses proportions miniatures -, elles contribuent à l’esthétique d’un cinéma artisanal qui mise sur l’ingéniosité plus que sur le réalisme. Le film assume son goût du studio et en tire même une certaine poésie visuelle. Le décor souterrain de Moloch, véritable temple païen, est d’ailleurs l’un des points d’orgue du film : ambiance tribale, jeunes femmes en pagne, victimes suppliciées, pièges et couloirs sinueux évoquant le labyrinthe du Minotaure. On glisse alors dans le versant le plus fascinant du genre, où le fantastique, l’onirisme et l’épouvante s’immiscent. Tout en réinventant à sa sauce quelques grandes figures mythologiques, le récit déploie des thématiques universelles : la lutte contre l’oppression, la quête de justice et l’éveil d’une conscience collective. Glaucus/Hercule, n’est pas seulement un lutteur émérite, c’est un libérateur, l’incarnation physique d’une force morale. Gordon Scott, mâchoire sculptée et port altier, incarne avec autorité cette figure de justicier. À ses côtés, Rosalba Neri est une envoûtante émule de Cléopâtre, tandis que notre Michel Lemoine national assure le rôle du soldat lassé par la dictature du régime qu’il sert. L’intrigue emprunte donc les voies classiques du péplum tout en offrant aux spectateurs son lot de rebondissements, de trahisons, de batailles épiques, de combats au corps à corps ou à l’épée et de moments de suspense savamment orchestrés.
© Gilles Penso
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