

Le diabolique « Zé du cercueil » imaginé par le cinéaste brésilien Jose Mojica Marins fait ses débuts dans ce film d’horreur excessif et surréaliste…
A MEIA NOITE LEVAREI SUA ALMA
1963 – BRÉSIL
Réalisé par Jose Mojica Marins
Avec Jose Mojica Marins, Magda Mei, Nivaldo Lima, Valéria Vasquez, Ilidio Martins, Eucaris Moraes, Robinson Aielo
THEMA SUPER-VILAINS I SAGA ZÉ DU CERCUEIL
Cinquième long-métrage du très controversé cinéaste brésilien José Mojica Marins, A minuit je prendrai ton âme met en scène un personnage démoniaque que le réalisateur joue lui-même, et qui répond au doux nom de « Zé do Caixao », autrement dit « Zé du cercueil ». Tout de noir vêtu, capé comme un vampire, coiffé d’un haut de forme, les ongles crochus et la barbe touffue, Zé sera le personnage récurrent de Mojica Marins, et reviendra régulièrement hanter ses films. Il aurait d’ailleurs été inspiré au cinéaste au cours d’une nuit de cauchemars et de fièvre intense. « J’ai rêvé d’un homme vêtu de noir, avec un chapeau haut-de-forme, qui me fixait intensément », raconte-t-il. « À mon réveil, j’ai su que ce personnage devait exister à l’écran. » (1) À l’encontre des méthodes de travail traditionnelles, Mojica Marins commence le tournage sans idée précise du scénario, qu’il élabore au fur et à mesure. Zé est à la fois le fossoyeur du village et son tyran. Il terrorise les habitants, blasphème au cimetière, défie la foi et la morale. On le croit possédé par le diable, mais lui se proclame humaniste. Il ne croit ni en Dieu, ni aux esprits, seulement en la supériorité de l’homme et en son pouvoir de se perpétuer.


Son obsession : engendrer un fils parfait qui dominera le monde. Pour cela, il cherche la femme idéale et l’agresse violemment. Une fois son forfait accompli, la jeune femme se suicide, et Zé bascule dans la folie. Mais avant d’être puni, Zé est d’abord une machine de violence. Il tranche les doigts d’un joueur de cartes avec un tesson de bouteille, fouette un homme jusqu’au sang, endort sa propre femme avec de l’éther pour laisser une énorme tarentule ramper sur son visage, puis la tue. Il noie un rival dans sa baignoire, bat sa compagne Maria, la viole, assassine le médecin qui découvre la vérité en lui crevant les yeux avec ses griffes avant de le brûler. Au bar, il enlève la couronne d’épines d’une sculpture de Jésus pour la planter dans la joue d’un fiancé. Bref, c’est un véritable festival d’ignominies, de sacrilèges et d’hérésies…
Les « tests de courage »
L’ensemble est filmé avec des moyens dérisoires, dans un studio exigu de São Paulo, avec des comédiens amateurs et un scénario souvent réduit à de longs dialogues en plan-séquence. Mais À minuit je prendrai ton âme est riche en séquences horrifico-poétiques inventives : des apparitions spectrales aux contours flous, des images en négatif, des visages en décomposition sur lesquels rampent des araignées ou grouillent des asticots. Le cinéaste n’hésite pas à tester la bravoure de ses comédiens en employant des moyens souvent extrêmes. « Je soumettais mes acteurs à des “tests de courage“, comme les couvrir d’araignées ou de serpents vivants, les enterrer vivants ou brandir une arme non chargée devant eux, juste pour voir s’ils étaient assez courageux pour faire partie de mon film », confesse-t-il (2). Le film vire parfois à la transe macabre, où le grotesque flirte avec le surréalisme. Certains critiques n’ont d’ailleurs pas hésité à comparer Mojica Marins à Luis Buñuel. Le point culminant survient dans la forêt, lorsque Zé, averti par une gitane, se retrouve hanté par les spectres de ses victimes. Il est alors lui-même transporté dans un cercueil, entouré de morts. Les douze coups de minuit résonnent tandis que son corps, les yeux révulsés, gît dans la crypte. Aux États-Unis, Zé do Caixao deviendra une icône culte sous le nom de Coffin Joe.
(1) Extrait d’une interview publiée sur Offscreen en juin 2005
(2) Extrait d’une interview publiée sur Vice en 2008
© Gilles Penso
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