TRANSMUTATIONS (1985)

La première adaptation à l’écran d’un récit de Clive Barker mélange en vrac un savant fou, un détective privé, des gangsters et des créatures difformes…

UNDERWORLD / TRANSMUTATIONS

 

1985 – GB

 

Réalisé par George Pavlou

 

Avec Larry Lamb, Denholm Elliott, Steven Berkoff, Nicola Cowper, Irina Brook, Art Malik, Brian Croucher, Ingrid Pitt, Trevor Thomas, Clive Panto, Sean Chapman

 

THEMA MUTATIONS I SAGA CHARLES BAND

C’est grâce au succès critique de ses Livres de sang que Clive Barker attire l’attention du réalisateur George Pavlou, alors en quête d’un sujet pour son premier long-métrage. « J’ai rencontré George lors d’un dîner », se souvient l’écrivain. « Nous n’avons parlé que de cinéma. Il voulait réaliser des films et moi, j’avais envie d’écrire des scénarios. Cela semblait être une combinaison parfaite, car nous pouvions apprendre les ficelles du métier ensemble, avec pour objectif de former un duo. J’ai donc proposé d’écrire un film d’horreur opposant des gangsters à des mutants. » (1) Barker rédige alors un traitement original de sept pages et le confie à Pavlou, qui le présente à la compagnie Green Man Productions, réputée pour soutenir les talents émergents. L’auteur, pas spécialement attiré par les slashers classiques, espère avec Transmutations s’orienter vers un style proche du film noir, mêlant des malfrats et des créatures monstrueuses dans un univers sombre et stylisé. Mais l’aventure n’est pas aussi idyllique que prévu. Issus de l’industrie musicale et surtout habitués aux vidéoclips, les producteurs se montrent en effet mal à l’aise face à la violence et à l’atmosphère oppressante du script. Transformé en thriller policier teinté de science-fiction, Transmutations finit par s’éloigner du concept initial. « Il y avait clairement un malentendu sur le sujet du film : ils m’ont dit qu’ils voulaient un film d’horreur, puis ils en ont retiré tout l’horreur ! » (2) raconte amèrement Barker.

En tête d’affiche, Larry Lamb incarne Roy Bain, un ancien truand retiré des affaires qui est rappelé par son ancien employeur, le caïd Hugo Motherskille (Steven Berkoff), pour une dernière mission. Le voilà chargé de retrouver l’évanescente Nicole (Nicola Cowper), une prostituée de luxe qu’il connaît bien et qui vient de se faire kidnapper par un groupe d’individus inconnus. Sur les lieux de l’enlèvement, Roy découvre un mystérieux flacon qui le mène droit au docteur Savary (Denholm Elliott), un savant fou dont les expériences ont dépassé toute limite. Car le biochimiste exalté a mis au point une drogue capable de transformer ses victimes en mutants hideux, condamnés à se cacher dans les souterrains londoniens (d’où le titre original Underworld). Le seul espoir de ces cobayes difformes pour obtenir un potentiel antidote réside dans l’enlèvement de Nicole, qui semble étrangement immunisée à ce terrible poison. La quête de Roy prend donc une tournure beaucoup plus complexe que ce qu’il imaginait… A l’époque de la sortie du film, George Pavlou revendique parmi ses influences les films de Joe Dante, Steven Spielberg, Dario Argento ou David Cronenberg. Excusez du peu ! Mais le résultat, s’il conserve une certaine singularité, n’a pas du tout l’ampleur espérée.

Les mutants toxicomanes

Il faut avouer que le réalisateur soigne sa mise en forme en se laissant fortement inspirer par l’esthétique des clips des années 80 : éclairages au néon, musique synthétique new wave, rythme parfois syncopé… Les marginaux monstrueux réfugiés sous terre semblent préfigurer le monde parallèle de Cabal, que Barker portera lui-même plus tard à l’écran. Le concept de base – des toxicomanes dont les fantasmes se matérialisent physiquement – offrait des possibilités intéressantes. Un drogué rêvant d’être un arbre se muait par exemple en créature végétale. Mais les producteurs, craignant que le public ne suive pas et que le budget nécessaire soit trop élevé, préfèrent limiter les transformations à des anomalies faciales qui évoquent les personnages contrefaits de Doomwatch. Si plusieurs seconds rôles prestigieux émaillent ce premier long-métrage, notamment Denholm Elliott (Les Aventuriers de l’arche perdue), Ingrid Pitt (Wicker Man) et Steven Berkoff (Orange mécanique), ces derniers se contentent de jouer « en roue libre » sans trop savoir ce qu’on attend d’eux. Le film se conclut sur un final explosif digne de Scanners, où Pavlou laisse enfin libre cours à ses penchants pour l’excès visuel, mais le potentiel initial du film n’est clairement pas exploité à sa pleine mesure. Après une brève exploitation en salles au Royaume-Uni, Underworld connaît une sortie américaine limitée en 1986 via Empire Pictures (sous son nouveau titre de Transmutations), avant d’être distribué deux ans plus tard en VHS chez Vestron Video. Barker et Pavlou feront à nouveau équipe sur Rawhead Rex, avant que l’écrivain décide de passer lui-même à la mise en scène pour nous offrir Hellraiser.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview parue dans Cinefantastique en 1987

 

© Gilles Penso

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