

Les frères Duffer rendent hommage au cinéma des années 80 de leur enfance à travers cette série de science-fiction gorgée de références…
STRANGER THINGS
2016/2023 – USA
Créée par Matt et Ross Duffer
Avec Winona Ryder, David Harbour, Finn Wolfhard, Millie Bobby Brown, Gaten Matarazzo, Caleb McLaughlin, Noah Schnapp, Sadie Sink, Matthew Modine
Créée par les frères Matt et Ross Duffer, Stranger Things est née d’une passion commune pour le cinéma fantastique et d’aventure des années 1980. Inspirés par des auteurs et réalisateurs comme Stephen King, Steven Spielberg ou John Carpenter, les Duffer cherchent à recréer l’ambiance de leur enfance en mêlant mystère, science-fiction et drame familial. Après plusieurs années de développement, ils présentent leur projet à Netflix, qui croit immédiatement au potentiel de la série et commande une première saison de huit épisodes, diffusée en 2016. Le succès est immédiat et sera le point de départ d’un véritable culte. L’histoire débute dans la petite ville fictive de Hawkins, Indiana, en novembre 1983, lorsqu’un garçon de 12 ans, Will Byers, disparaît mystérieusement sans laisser de traces. Sa mère, Joyce, refuse d’accepter sa disparition et mène une quête désespérée pour le retrouver, aidée par le shérif local, Jim Hopper. Parallèlement, les amis de Will (Mike, Dustin et Lucas) entament leurs propres recherches et découvrent une étrange jeune fille surnommée Eleven, dotée de pouvoirs télékinétiques. Cette mystérieuse fille semble liée à la disparition de Will et aux expériences secrètes menées dans un laboratoire gouvernemental proche. Peu à peu, la ville est plongée dans une atmosphère inquiétante, où le surnaturel et la science se mêlent, révélant l’existence d’une dimension parallèle nommée « l’Upside Down ».


Là où l’on pouvait craindre un simple plagiat de films culte ancrés dans l’inconscient collectif depuis les années 80, nous constatons avec soulagement que cette aventure paranormale cultive sa propre identité et une originalité indiscutable, ce qui n’empêche évidemment pas de nombreux clins d’œil à la culture populaire des eighties. Car les Duffer Brothers ne se contentent pas de cultiver leur madeleine de Proust. Au lieu d’imiter servilement leurs modèles, ils les transcendent en imposant leur propre style. Leurs choix musicaux témoignent de cette démarche. Car si les bandes originales des films Amblin étaient généralement orchestrales et symphoniques (dont certains chefs d’œuvres inoubliables de John Williams et Jerry Goldsmith), celle de Stranger Things est 100% électroniques. Elle n’est pas anachronique pour autant, puisque les sonorités utilisées par Kyle Dixon et Michael Stein, membres du groupe Survive, ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles de la pop music des années 80. La reconstitution de l’époque s’avère d’ailleurs minutieuse. La technologie rétro, les tenues vestimentaires, les jeux de rôle, les BMX, les talkies-walkies et l’absence totale d’internet ou de téléphone cellulaires offrent aux téléspectateurs un véritable bond dans le temps.
Jeunes talents
Comme le firent J.J. Abrams avec Super 8 et Andres Muschietti avec son adaptation de Ça, Stranger Things trouve ainsi le juste équilibre entre l’hommage (on pense à E.T., Explorers, Les Goonies, Poltergeist) et la nouveauté, oscillant sans cesse entre l’aventure, la comédie, le mystère et la terreur (certaines scènes basculent pleinement dans les codes du genre horrifique). La série aura eu le mérite de révéler plusieurs jeunes talents, notamment Finn Wolfhard (S.O.S. fantômes : l’héritage), Charlie Heaton (Les Nouveaux mutants), Joe Keery (Free Guy), Sadie Sink (Fear Street) et bien sûr l’étrange Eleven, alias Millie Bobby Brown (Godzilla II). Mais sous son vernis vintage se cache une lecture intéressante de l’Amérique profonde, celle qui dissimule ses peurs dans des laboratoires secrets, qui marginalise ceux qui dévient de la norme (les geeks, les orphelins, les « originaux »), et où l’enfance est un territoire vulnérable, à la merci des adultes ou d’un système hostile. L’impact culturel de la série sera immense. Stranger Things ne s’est pas contentée de remettre les années 80 au goût du jour, elle les a réactivées comme un langage collectif, reconnaissable et émotionnellement chargé. Résultat : une relance spectaculaire de la mode vintage mais aussi un retour en force des sonorités synthétiques dans la pop et l’électro et même une explosion des ventes de jeux de rôle Donjons & Dragons. Revers de la médaille : les émules opportunistes se sont multipliés, muant la nostalgie des eighties en véritable fond de commerce troquant souvent la sincérité contre un calcul trop méticuleux pour être honnête.
© Gilles Penso
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