LA FERME DE LA TERREUR (1981)

Wes Craven s'éloigne des survivals qui l'ont fait connaître du grand public en s'intéressant à une communauté religieuse aux rites étranges

DEADLY BLESSING

1981 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Maren Jansen, Susan Buckner, Sharon Stone, Jeff East, Ernest Borgnine, Michael Berryman, Colleen Riley 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA WES CRAVEN

En 1981, Wes Craven avait déjà acquis une réputation de « maître de l’horreur » grâce à La Dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux. Refusant de se reposer sur ses lauriers, il enchaîna avec un téléfilm de genre (L’Eté de la peur) avant de signer La Ferme de la terreur, une œuvre pas toujours estimée à sa juste valeur qui porte pourtant en germe la semence de ses meilleurs films à venir. L’intrigue se situe au beau milieu de la campagne texane. A la suite de la mort étrange de son mari, Martha Schmidt (la magnifique Maren Jansen) devient le témoin de phénomènes inexpliqués. A proximité de chez elle vit une étrange communauté religieuse : les Hittites. À priori proches des Amishes, ces derniers vivent en autarcie et refusent toute technologie moderne car ils y voient des manifestations du démon. C’est l’autoritaire Isaiah (extraordinaire Ernest Borgnine) qui mène cette communauté d’une poigne de fer. Or L’époux de Martha, un ex-hittite, était son fils aîné. Son trépas serait-il lié au bannissement dont il fit l’objet ? Bientôt, la jeune veuve reçoit la visite de deux amies, Lana (une toute jeune Sharon Stone) et Vicky (Susan Buckner). A partir de là, les choses ne vont cesser d’empirer…

Agrémenté d’un casting judicieux (Borgnine est hallucinant en chef de secte tyrannique et les trois actrices principales rivalisent de photogénie), La Ferme de la terreur est probablement l’un des films les plus stylisés et les plus soignés – d’un point de vue graphique – de la carrière de Wes Craven. Les mouvements de caméra y sont élégants, les décors naturels texans magnifiquement photographiés et la partition du débutant James Horner marche sans rougir sur les traces de Bernard Herrmann. Fort de ces atouts formels, Craven concocte des séquences d’épouvante d’autant plus efficaces qu’elles reposent sur des peurs basiques et évitent les artifices. A ce titre, le serpent qui s’immisce dans une baignoire entre les jambes nues de Maren Jansen ou l’araignée velue qui tombe dans la bouche grande ouverte de Sharon Stone – deux scènes qui se répercuteront respectivement dans Les Griffes de la nuit et L’Emprise des ténèbres – savent distiller d’irrépressibles frissons. Aux symboles sexuels se mixent des phobies viscérales, en un cocktail que le cinéaste ne retrouvera hélas qu’avec parcimonie dans ses œuvres ultérieures.

Le démon qui surgit du plancher

Tout au long de son déroulement, le scénario de La Ferme de la terreur sème le doute entre l’intervention humaine ou la manifestation surnaturelle pour justifier les morts suspectes et les phénomènes mystérieux. A ce titre, le final est pour le moins surprenant. On sait que ce démon surgissant violemment d’un plancher fut imposé à Craven par les producteurs, à la manière du diable grimaçant de Rendez-vous avec la peur que Jacques Tourneur ajouta à son montage à contre-cœur. Mais cette image exagérément spectaculaire abonde dans le sens de l’ambiguïté. Car le cinéaste ne nous donne pas toutes les réponses. Certains reprocheront d’ailleurs au film son manque de clarté et son incapacité à opter pour une fin digne de ce nom. Mais n’est-ce pas justement cette incertitude qui accroît le trouble ?

 

© Gilles Penso

Partagez cet article