LES POUPÉES DU DIABLE (1936)

Un bagnard évadé utilise des êtres humains miniaturisés pour commettre des forfaits et assouvir sa soif de vengeance

THE DEVIL-DOLL

1936 – USA

Réalisé par Tod Browning

Avec Lionel Barrymore, Maureen O’Sullivan, Frank Lawton, Rafaela Ottiano, Robert Greig, Lucy Beaumont, Henry B. Walthall 

THEMA NAINS ET GEANTS

Pour son avant-dernier long-métrage, le génial réalisateur de DraculaFreaks et La Marque du Vampire a puisé son inspiration dans le roman « Brûle Sorcière Brûle ! » écrit en 1932 par Abraham Merritt. Comme toujours, Tod Browning s’intéresse ici à l’aspect ambigu de la monstruosité et fait démarrer son film sur des chapeaux de roues. Deux prisonniers s’évadent d’un bagne en pleine nuit et évoquent leurs projets respectifs. Tandis que le premier, un chimiste prénommé Marcel, affirme en guise de réhabilitation « je veux aider le monde à vivre », le second, un ancien banquier du nom de Paul Lavond, lui rétorque aussitôt : « Je veux aider trois hommes à mourir ! » Ses trois associés ont en effet comploté pour le faire accuser d’escroquerie et de meurtre.

Après avoir croupi pendant dix-sept ans entre quatre murs, Lavond rumine sa vengeance, et Marcel l’accueille chez lui pour la nuit. Là, l’ex-banquier découvre les expériences étranges du vieux scientifique. En guise de projet humanitaire, Marcel et sa femme Marita ont trouvé le moyen de rétrécir les êtres vivants au sixième de leur taille, afin qu’il y ait assez de nourriture pour tout le monde sur Terre. « J’ai réussi à réduire tous les atomes d’un corps sans interrompre la vie ! » s’enthousiasme le chimiste, expérimentant la miniaturisation sur des chiens puis sur sa servante Lachna. Seul petit problème : pour l’instant, les cobayes n’ont pas de fonctionnement cervical normal, et ne peuvent donc qu’obéir à une volonté extérieure. Lavond s’offusque quelque peu de ces expériences contre-nature, mais lorsque Marcel meurt, terrassé par une crise cardiaque, et que son épouse décide d’aller à Paris pour poursuivre son œuvre, l’ex-banquier voit là une occasion inespérée de se venger enfin. Se faisant passer pour une vieille fabricante de jouets artisanaux répondant au doux nom de Madame Mandilip, il utilise des humains miniaturisés pour attaquer ceux qui le firent condamner…

Des séquences follement surréalistes

Fort de ce scénario tout à fait démentiel, Les Poupées du Diable se pare d’un casting de choix, avec en tête Lionel Barrymore, surprenant en travesti vengeur, la toute belle Maureen O’Sullivan, devenue star depuis Tarzan l’homme-singe, et Rafaela Ottiano, inquiétante dans le rôle d’une Marita à la mèche blanche, à la démarche claudicante et au regard fou. Mais le film de Browning étonne surtout par l’extraordinaire qualité de ses effets spéciaux, portés aux nues dans cette séquence folle où une jeune femme miniature s’anime dans les bras d’une petite fille endormie, s’échappe de son lit, évolue dans sa chambre, grimpe jusqu’à un tiroir pour voler des bijoux, puis escalade le lit d’un banquier pour le poignarder avec une dague minuscule. Les caches, les incrustations et les décors surdimensionnés y sont remarquables. Les Poupées du Diable regorge de scènes surréalistes du même acabit, comme le cheval rétréci qui gambade sur un bureau, le couple miniature qui danse sur une table emplie de jouets, ou encore l’homme minuscule qui gravit un sapin de Noël. Cette œuvre d’exception s’assortit de surcroît d’une belle partition de Franz Waxman et d’un dénouement étrangement émouvant.

© Gilles Penso

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