LA CITÉ SOUS LA MER (1965)

La découverte en 1903 d’une ville engloutie dont les occupants menés par Vincent Price cohabitent avec des hommes-poissons

WAR GODS OF THE DEEP / CITY IN THE SEA

 

1965 – GB / USA

 

Réalisé par Jacques Tourneur

 

Avec Vincent Price, Tab Hunter, David Tomlinson, Susan Hart, John Le Mesurier, Henry Oscar, Derek Newark, Roy Patrick, Tony Selby, Michael Heyland, Stephen Brooke

 

THEMA MONSTRES MARINS

L’American International Pictures de Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson œuvra pour la bonne cause durant les années 50 et 60 en produisant et distribuant moult productions fantastiques, dont les titres les plus populaires sont encore aujourd’hui les adaptations d’Edgar Alan Poe réalisées par Roger Corman avec Vincent Price (Le Corbeau, Le Puits et le pendule, La Chute de la maison Usher). La poésie macabre et le pouvoir de suggestion de l’auteur auguraient d’un mariage parfait avec le style visuel de Jacques Tourneur qui, après avoir commencé sa carrière auprès de son père réalisateur émigré aux États-Unis dès 1930, réalisa quelques titres aussi emblématiques que La Féline, Rendez-vous avec la peur ou encore Vaudou, tous trois reconnus pour leur ambiance onirique et leur utilisation picturale des ombres. Si La Cité sous la mer ne peut prétendre au même statut de classique, Jacques Tourneur livre néanmoins à soixante printemps bien sonnés une série B au charme déjà presque rétro lors de sa sortie, les décors et l’ambiance générale évoquant bizarrement Jules Verne et le 20 000 lieues sous les mers de Richard Fleischer – une filiation relevée également par le distributeur italien qui titra le film 20 000 leghe sotte la terra.

En 1903, Ben Harris (Tab Hunter) découvre sur une plage des côtes anglaises des Cornouailles le corps meurtri d’un pêcheur. Il s’empresse de prévenir Jill (Susan Hart), résidente du manoir voisin qui lui présente un nouveau pensionnaire, l’excentrique Harold (David Tomlinson, tout juste sorti de Mary Poppins et sur le point de rempiler chez Disney pour L’Apprenti sorcière). Le soir même, elle disparait et Ben est convaincu que le ravisseur qu’il a entraperçu est une créature venue de l’océan. Alors qu’Harold et sa poule apprivoisée (ne cherchez pas à comprendre !) se joignent à Ben pour tenter de retrouver Jill, ils découvrent un passage secret menant à une antique cité souterraine évoquant l’Atlantide. Sitôt arrivés, ils sont faits prisonniers par le capitaine Hugh (Vincent Price) et son équipage, confinés sous les eaux depuis un siècle. Or cette la cité qui leur confère la vie éternelle est menacée par l’irruption imminente d’un volcan… On aurait vite fait d’oublier de citer la présence du peuple des hommes-poissons en voulant résumer l’histoire, tant ces lointains cousins du Gill Man de L’Étrange créature du lac noir n’ont une importance toute relative dans l’affaire, hormis le fait que ce soit l’un d’eux qui enlève la belle au début et soit soupçonné d’avoir commis le meurtre du prologue.

Une odyssée qui finit par tourner à vide

Pourtant, l’ambiance mystérieuse posée par la première demi-heure s’avère plutôt accrocheuse. Bien que Tourneur ne retrouve jamais ici pleinement l’inspiration, les ombres chères à ses chefs-d’œuvre passés s’invitent lors de la séquence de l’enlèvement de Jill dans le manoir. À ce stade, il est permis de trépigner d’impatience en attendant la suite. Plus lumineuses et joliment éclairées, les scènes d’exploration souterraine précédant l’arrivée à la cité engloutie permettent aisément de croire à un budget supérieur à la réalité (on pense aux décors de La Machine à explorer le temps de George Pal). Mais le soufflet retombe dès que nos deux héros de fortune rencontrent le capitaine Hugh. Certes, Vincent Price possède une prestance naturelle indéniable, mais faute d’un scénario assez dense, le film recourt à une statique et bavarde scène d’exposition pour dévoiler le parcours et les motivations de son personnage. Même si le rôle évoque le professeur Morbius de Planète interdite, jamais Price ne parvient à lui insuffler la menaçante ambivalence de l’interprétation de Walter Pidgeon. Or une fois que Hugh a explicité tous les mystères de la cité, le scénario n’a plus aucune cartouche en réserve. Et le film de tourner à vide, les prisonniers tentant mollement de s’échapper alors que le volcan a choisi opportunément de se réveiller à ce moment précis afin d’ajouter un semblant de suspense à une intrigue qui en manque cruellement. La dernière bobine, consacrée à la grande évasion, n’est elle-même guère palpitante. D’autant qu’au-delà de quelques sympathiques plans avec miniatures (et des poissons rouges pour figurer la faune aquatique), Tourneur et son monteur semblent chercher à étirer l’action pour atteindre une durée syndicalement acceptable. En résulte une longue et répétitive séquence de combat sous-marin entre les hommes-poissons et les héros (du moins leurs doublures en scaphandre) entrecoupée de gros plans des acteurs faisant les gros yeux et visiblement filmés au sec… L’intérêt initialement suscité par La Cité sous la mer ne fait que s’amenuiser au fil de sa pourtant courte durée et c’est d’autant plus regrettable qu’il s’agit là du dernier film de Jacques Tourneur, qui tenta sans succès de monter un autre projet en France avant son décès en 1977.

 

© Jérôme Muslewski

 

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