LA MUTANTE (1995)

Créée à partir d’un échantillon d’ADN extra-terrestre, une jeune fille mutante s’échappe avec pour seuls buts de se reproduire et tuer…

SPECIES

 

1995 –  USA

 

Réalisé par Roger Donaldson

 

Avec Natasha Hensrtridge, Ben Kingsley, Alfred Molina, Forest Whitaker, Michael Madsen, Marg Helgenberg, Michelle Williams, Frank Welker

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I MUTATIONS

Dans les années 90, le fantastique avait le vent en poupe, en grande partie grâce à l’engouement pour les X-Files et son héros Mulder qui « voulait croire ». Notre genre de prédilection reflétant toujours les angoisses de son époque, on peut légitiment penser que l’année 2000 approchant, les fantasmes ancrés dans un siècle de science-fiction revinrent inquiéter les millénaristes et stimuler l’imagination des scénaristes. A l’inverse d’Independence Day et Mars Attacks !, la MGM imagine une invasion extra-terrestre plus localisée et aux dégâts matériels moindres, confiant le projet à Roger Donaldson (Le Bounty, Cocktail, Cadillac Man, Le Pic de Dante), dont ce sera la première et dernière incursion dans le genre, ce qui ne lui manquera guère (« lui » désignant au choix Donaldson ou le genre). La présence de Dennis Feldman au scénario (Golden Child) n’apportant qu’un gage de qualité tout relatif, on comprend dès lors qu’en dépit d’un nombre important de produits mainstream en lien avec le fantastique en cette fin de siècle, les fantasticophiles d’alors se sentaient souvent trahis et dépossédés par des studios qui ne comprenaient pas vraiment de quoi ils parlaient. La Mutante démarre pourtant plutôt bien, avec ses 20 premières minutes quasi-muettes. Nous y découvrons la jeune Sil (Michelle Williams, dans son premier rôle à l’écran), une adolescente tout ce qu’il y a de plus normal en apparence, si ce n’est qu’elle a été créée à partir d’une séquence ADN captée dans l’espace. La « créature » a la particularité de grandir à un rythme accéléré et l’armée étant aussi méfiante que curieuse, elle grandit sous cloche dans un complexe hautement sécurisé… dont elle parvient à s’échapper sans trop de mal, embarquant dans le premier train venu.

Très vite, la véritable nature de la mutante se révèle. Utilisant le corps d’une contrôleuse de train comme cocon, Sil acquiert sa taille adulte (et prend les traits de Natasha Henstridge). Arrivée à Los Angeles, elle se fond dans la masse et se met en quête d’un homme pour la féconder et, accessoirement, le trucider après l’acte. Faut-il voir là un simple détournement de l’archétype du prédateur sexuel mâle ? Ou le témoignage d’une peur masculine inavouée envers le sexe dit faible si celui-ci devenait trop entreprenant ? Point le temps de disserter sur ces questions à l’écran. L’agent Fitch (Ben Kingsley) réunit un groupe de spécialistes pour traquer Sil. Parmi eux : un limier (Michal Madsen), un anthropologue (Alfred Molina), une généticienne (Marg Helgenberger) et… un médium (Forest Whitaker). Ni plus ni moins qu’une chasse-à-la-femme matinée de fantastique, La Mutante avait tout pour devenir un émule de Hidden, mais le « confort » de la production semble ôter malheureusement à Roger Donaldson l’énergie et la conviction dont faisait preuve le film plus modeste de Jack Sholder. En choisissant d’alterner les scènes avec la fugitive et ses poursuivants plutôt que d’adopter l’un ou l’autre point de vue, le spectateur a toujours une longueur d’avance sur l’intrigue et la bande menée par Ben Kingsley : toutes leurs scènes donnent une impression d’errements, comme si Sil et eux évoluaient dans deux films différents. Amoindrissant encore le peu de suspense de l’histoire, l’enquête ne progresse pas selon la méthode classique des relevés d’indices, mais grâce aux visions du personnage incarné par Forest Whitaker. La présence d’un médium constitue déjà en soi une forme de tricherie scénaristique et s’avère finalement plus difficile à accepter que l’existence même de la belle alien.

Pauvre Giger

Vous avez dit Alien ? Justement, il existe une filiation directe entre le classique de Ridley Scott et La Mutante car c’est à H.R. Giger que l’on doit le design de Sil : intrigante et sexuellement agressive, la créature fait illusion lors des apparitions fugaces du costume et des maquillages créés par Steve Johnson (Abyss entre autres). Mais les images de synthèse étant alors vues comme la solution à tout (ce qu’elles n’ont jamais été), la découverte de Sil sous sa forme extra-terrestre dans une version 100% numérique produit l’effet d’une spectaculaire et fatale sortie de route. Giger ne s’en est probablement pas remis, le film non plus. Vraiment dommage car avec son scénario calibré comme un long épisode des X-Files et hormis des images de synthèse irregardables aujourd’hui, La Mutante pouvait se targuer d’une belle affiche devant et derrière la caméra. Outre son casting solide et une équipe technique des plus compétentes, comme Andrej Bartkowiak à la photo (qui a déjà shooté Los Angeles dans Chute libre ou Speed) et Conrad Buff au montage (collaborateur-clé de James Cameron sur Abyss, Terminator 2, True Lies et Titanic, excusez du peu), on retiendra la très réussie bande originale de Christopher Young (Hellraiser, Jenifer 8), le seul « acteur » parvenant à insuffler un semblant de tension et d’étrangeté à un film qui, dans sa seconde partie, brise une à une les promesses faites dans la première. Trois suites, sorties en 1998, 2003 et 2008 (les deux dernières étant destinées directement au marché vidéo) ne transformeront pas, loin s’en faut, un film raté en franchise impérissable.

 

© Jérôme Muslewski

Partagez cet article