LE DERNIER VOYAGE DU DEMETER (2023)

Que s’est-il réellement passé à bord du navire qui transportait Dracula depuis la Transylvanie jusqu’à Londres ?

THE LAST VOYAGE OF THE DEMETER

 

2023 – USA

 

Réalisé par André Øvredal

 

Avec Corey Hawkins, Aisling Franciosi, Liam Cunningham, David Dastmalchian, Javier Botet, Woody Norman, Jon Jon Briones, Stefan Kapicic, Nikolai Nikolaeff

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Dans la mythologie grecque, Demeter est l’une des sœurs de Zeus, Hadès et Poséidon, déesse de l’agriculture et des moissons. Rien de bien inquiétant à priori. Mais Demeter est aussi le nom du navire qui, dans le « Dracula » de Bram Stoker, transporte le cercueil du comte vampire depuis sa Transylvanie natale jusqu’en Angleterre. Cet épisode maritime macabre fait l’objet d’un chapitre important du roman, « The Demeter Log », et apparaît de manière plus ou moins détaillée dans les diverses adaptations cinématographiques du livre. Mais pour le producteur et scénariste Bragi Schut Jr., cette mésaventure mérite un long-métrage à part entière. L’idée lui vient au début des années 1990, alors qu’un de ses collègues travaille sur les effets spéciaux du Dracula de Francis Ford Coppola. En découvrant la maquette du Demeter qui apparaîtra dans le film, son cerveau fait « tilt ». Schut effectue de nombreuses recherches sur le 19ème siècle afin d’assurer à son scénario un maximum d’authenticité historique. Mais son projet ne se concrétisera qu’au bout de deux décennies. Après qu’un nombre incalculable de réalisateurs aient été attachés au film, Le Dernier voyage du Demeter atterrit finalement entre les mains d’André Øvredal, dont la filmographie collectionne les films-concepts audacieux tels que Troll Hunter, The Jane Doe Identity, Scary Stories ou Mortal.

Le 6 août 1897, le navire marchand Demeter s’échoue en Angleterre. Parmi les débris retrouvés par la police figure le journal de bord du capitaine, dont la plume tourmentée décrit un voyage cauchemardesque. Quatre semaines plus tôt, le Demeter fait escale à Varna, en Bulgarie, où il prend en charge une cargaison destinée à Londres. Ce chargement énigmatique est constitué de plusieurs grandes caisses en bois au contenu inconnu et sur lesquelles apparaît un emblème en forme de dragon. L’équipage est constitué de cinq marins, d’un médecin de bord, de deux seconds, d’un cuisinier, du capitaine et de son petit-fils. Le voyage du Demeter commence bien, jusqu’à ce que les choses prennent une tournure plus inquiétante. Un soir, tout le bétail à bord s’affole sans raison. Puis le médecin découvre le corps d’une passagère clandestine visiblement frappée par une sérieuse infection. Lorsque tous les animaux du bateau sont retrouvés massacrés, la panique finit par se répandre comme une traînée de poudre. « Le mal est à bord » en conclut l’un des marins. Il ne croit pas si bien dire…

« Le mal est à bord »

Le Dernier voyage du Demeter nous séduit d’abord par sa mise en forme impeccable : une reconstitution historique minutieuse, la photographie somptueuse de Tom Stern (fidèle collaborateur de Clint Eastwood), la bande originale tourmentée de Bear McCreary (The Walking Dead, Outlander), les décors ultra-réalistes d’Edward Thomas (Doctor Who, Da Vinci’s Demons), un casting solide dominé par Corey Hawkins (Kong : Skull Island, Macbeth)… Une fois ce contexte mis en place, le surnaturel peut s’inviter. À bord du navire, le cartésianisme et la superstition se livrent bientôt à un bras de fer inévitable tandis que la menace s’intensifie. « Une femme et un Noir à bord, ça porte malheur ! » finissent par s’inquiéter les matelots bigots. Ce sont pourtant les seuls qui semblent capables de sauver la situation. Le Dracula du film n’est ni l’être romantique décrit par Francis Coppola et John Badham, ni le seigneur altier campé par Christopher Lee ou Bela Lugosi, ni même le non-mort blafard qu’incarnaient Max Schreck et Klaus Kinski. C’est une bête sauvage et affamée, un monstre livide qui se repaît du sang des autres comme le ferait un vulgaire parasite. Sa bestialité rampante s’immisce dans chaque recoin sombre du navire. D’où le choix de Javier Botet pour l’incarner, un acteur étonnant capable de distendre sa morphologie longiligne pour épouser les contorsions insectoïdes de la bête. Une telle approche est conforme avec le cahier des charges tel qu’il fut établi par Bragi Schut Jr. et André Øvredal : un Alien situé dans un bateau en 1897. Il n’était pas évident de parvenir à nous surprendre avec une histoire qu’il nous semblait connaître par cœur et qui fut déjà si souvent portée à l’écran, même de manière concise. Le Voyage de Demeter y parvient pourtant, nous offrant une variante passionnante qui n’aura hélas pas su attirer le public malgré ses nombreuses qualités.

 

© Gilles Penso


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