

Un médecin croit avoir trouvé le secret de la jeunesse éternelle au fin fond de la savane africaine et souhaite l’expérimenter sur son épouse…
THE LEECH WOMAN
1960 – USA
Réalisé par Edward Dein
Avec Coleen Gray, Grant Williams, Philip Terry, Gloria Talbott, John Van DReelen, Estelle Hemsley, Kim Hamilton, Arthur Batanides, Harold Goodwin
THEMA MUTATIONS I EXOTISME FANTASTIQUE
Au début des années 60, l’âge d’or des « Universal Monsters » est déjà loin. À part L’Étrange créature du lac noir, création tardive du producteur William Alland, les grands monstres du répertoire classique ne font plus recette sur le continent américain – ce qui ne les empêche pas de s’épanouir en Grande-Bretagne sous les bons auspices de la Hammer. Lorsqu’Universal lance La Femme sangsue, c’est donc moins pour raviver cette flamme moribonde que pour accompagner en double-programme la sortie américaine du film anglais Les Maîtresses de Dracula – produit justement par la Hammer. Le budget est donc minime et la production confiée à Joseph Gershenson, chef du département musical d’Universal. Parallèlement à ses activités liées aux bandes originales, Gershenson s’est en effet spécialisé dans la production de séries B d’horreur comme Le Monstre des abîmes de Jack Arnold ou Dans les griffes du vampire d’ Edward Dein. C’est d’ailleurs Dein qui hérite de la mise en scène de La Femme sangsue. Les slogans affichés sur les posters de l’époque, peu portés sur la demi-mesure, annonçaient avec force points d’exclamations : « Elle vide les hommes de leur amour… et de leur vie ! »


Rien ne va plus entre le docteur Paul Talbot (Philip Terry), un endocrinologue réputé, et son épouse June (Coleen Gray), qui accepte très mal de se voir vieillir et sombre peu à peu dans l’alcool. Alors que le divorce semble inévitable, le médecin reçoit une patiente très âgée, Malla (Estelle Hemsley), au visage ridé comme celui d’une momie. Celle-ci affirme venir de la peuplade africaine Nando et avoir vécu plus de 150 ans. Son peuple connaîtrait en effet le secret du rajeunissement et du prolongement de la vie. Fasciné, Talbot monte une expédition dans la savane africaine à la recherche de l’orchidée miraculeuse capable d’un tel prodige. À partir de là, le film prend les allures d’un vieux Tarzan, avec une jungle de studio filmée sur les plateaux d’Universal et un grand nombre de stock-shots d’animaux sauvages : éléphants, singes, serpents, crocodiles, lions, hippopotames, bref une véritable arche de Noé. June, qui a accepté de se joindre à son époux en espérant une réconciliation possible, comprend bientôt qu’il ne l’a emmenée avec lui que pour en faire un cobaye de cette plante rajeunissante exotique…
La veuve noire
Dès qu’il se transporte dans la jungle, le film véhicule une image très caricaturale de l’Afrique, qui ne surprenait pas outre mesure au début des années 30 (époque de Tarzan l’homme singe, King Kong ou Tintin au Congo) mais semble sérieusement datée trois décennies plus tard. Toute la première partie de La Femme sangsue souffre de cette accumulation d’archétypes et de rebondissements souvent capillotractés. Le troisième acte, qui nous ramène à la civilisation, se révèle beaucoup plus intéressant. Car notre « femme sangsue » (le terme « veuve noire » conviendrait tout autant) se lance désormais dans une croisade à mi-chemin entre les méfaits de la comtesse Bathory et ceux de Dorian Gray. Sa quête de jeunesse est tellement désespérée qu’elle en perd toute notion de bien et de mal, même si l’issue du drame sera forcément fatale – son personnage semble le savoir aussi bien que les spectateurs. Si les rôles masculins, y compris Grant Williams, ex-Homme qui rétrécit, restent très en retrait, le film repose majoritairement sur les épaules de Coleen Gray. Ex-tête d’affiche d’Howard Hawks (La Rivière rouge) et de Stanley Kubrick (L’Ultime razzia), la comédienne crève l’écran sous les atours respectifs de la femme aigrie et vieillissante, de la jeune séductrice briseuse de ménages et du monstre décrépit qui se révèle peu à peu, sous les bons auspices du maquilleur Bud Westmore. Le film reste très théâtral, y compris au cours de son climax expédié à la va-vite, mais vaut au moins le détour pour la prestation étonnante de son actrice principale.
© Gilles Penso
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