SURVIVANCE (1981)

Le réalisateur de La Nuit des vers géants filme la mésaventure d’un groupe d’amis assaillis par des tueurs dégénérés au milieu de la nature sauvage…

JUST BEFORE DAWN

 

1981 – USA

 

Réalisé par Jeff Lieberman

 

Avec George Kennedy, Mike Kellin, Chris Lemmon, Gregg Henry, Deborah Benson, Ralph Seymour, Katie Powell, John Hunsaker, Charles Bartlett, Jamie Rose

 

THEMA TUEURS

Réalisé par Jeff Lieberman, cinéaste inclassable et souvent sous-estimé du cinéma de genre américain (La Nuit des vers géants, Le Rayon bleu), Survivance s’inscrit ouvertement dans la lignée des classiques du survival tels que Massacre à la tronçonneuse, La Colline a des yeux et surtout Délivrance (auquel se réfère sans ambigüité le titre français), tout en affichant une approche plus sensorielle, presque contemplative, où l’angoisse naît moins du sang versé que du silence pesant des montagnes muettes. Le point de départ est simple, pour ne pas dire banal : cinq jeunes gens traversent les montagnes de l’Oregon à bord d’un camping-car pour visiter une propriété récemment héritée. Ignorant les avertissements d’un garde forestier et les divagations d’un prédicateur illuminé qui évoque des démons dans la forêt, ils s’enfoncent dans une nature splendide. Mais très vite, leur escapade tourne au cauchemar. Ils sont en effet pris pour cible l’un après l’autre par deux frères jumeaux dégénérés, fruit d’une lignée d’incestes parmi les paysans des environs. Le massacre s’accomplit dans un crescendo d’agressions – noyades, coups de machette, chutes mortelles – jusqu’à un dernier face-à-face d’une rare intensité.

Ce déchaînement de violence, typique du slasher rural, aurait pu n’être qu’une exploitation opportuniste des succès de ses prédécesseurs. Mais Lieberman y insuffle une singularité qui fait la différence. À la saleté et au vacarme de Massacre à la tronçonneuse, Survivance préfère l’immobilité et le mutisme de la forêt. L’horreur naît de la topographie elle-même : falaises abruptes, cascades, ponts de corde suspendus au-dessus du vide. L’Oregon, filmé dans toute sa beauté sauvage, devient presque un personnage à part entière, à la fois décor, piège et métaphore du retour à l’état sauvage, dans la droite lignée des expérimentations de John Boorman. Le film repose d’ailleurs sur une tension permanente entre la civilisation et la nature. Les cinq citadins, bruyants et insouciants, incarnent une forme d’arrogance moderne face à un monde qu’ils ne comprennent plus. Leur intrusion, marquée par la musique tonitruante de leur radio ou les mégots qu’ils jettent négligemment, ressemble presque à une provocation. À cet égard, Survivance se rapproche de Long week-end de Colin Eggleston, dans lequel la nature reprenait ses droits sur les intrus.

Rage animale

La mise en scène sobre de Lieberman privilégie les sensations physiques : bruissements de feuilles, ruissellement de l’eau, craquements du bois. Le réalisateur construit la tension à travers des scènes d’approche plus que de confrontation, s’attardant sur une ombre dans la rivière, une silhouette floue derrière la cascade ou un visage qui surgit dans la pénombre. À l’avenant, le directeur de la photographie Dean King capte la lumière dorée des sous-bois et le miroitement des cascades, jouant sans cesse le jeu de l’équilibre instable entre la sérénité et la menace. L’un des éléments les plus mémorables du film reste son final, renversant les conventions du genre. Alors que les victimes sont éliminées ou paralysées par la peur, ce climax bascule dans une rage animale et renverse la logique du survival, puisque la proie devient soudain prédatrice. Ce moment d’instinct pur traduit l’idée que la survie passe par une régression vers la sauvagerie, comme si l’humain ne pouvait échapper à sa part bestiale. Certes, Survivance n’évite pas les lieux communs du genre, souffre d’un rythme très inégal et d’une interprétation souvent approximative. Mais il compense partiellement ces défauts par son atmosphère, son sens du cadre et sa lecture quasi écologique de l’horreur.

 

© Gilles Penso

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